Du mythe à l'histoire

« La commémoration du baptême de Clovis s'enracine sur le fond original du christianisme, sur le caractère personnel de l'événement dans la vie d'un croyant et non sur la mythologie politico-religieuse des siècles précédents. »

Il y a des cas où l'histoire est beaucoup plus riche de sens que la lecture postérieure de l'événement. C'est le cas du baptême de Clovis. L'utilisation mythique de la décision du jeune roi franc d'entrer en Église a surtout manifesté la volonté de fonder la monarchie sur du sacré, et par là de lui conférer une dignité surnaturelle. Les carolingiens et les capétiens succédant aux mérovingiens n'avaient pas la légitimité du sang, ils ont eu recours à ce sacré pour recevoir le charisme d'en-haut alors que Clovis se suffisait de la grâce du baptême, comme tout chrétien, pour vivre en Église sa responsabilité publique. Grégoire de Tours magnifiant le nouveau Constantin et Hincmar, mon prédécesseur du VIIIè siècle, créant la légende merveilleuse de la Sainte Ampoule, ont développé cette perspective mythique afin de rendre compte en termes religieux du nouvel ordre public. On peut dire qu'ils réussirent à merveille, le mythe n'étant pas une fable mais une relecture globale de l'événement pour lui donner une efficacité imaginaire et dynamique, il assure ainsi des réinterprétations permanentes des situations à venir. Celles-ci furent particulièrement riches, et en même temps polémiques, au cours du XIXè siècle, lorsque monarchie et démocratie hantaient les esprits et donnaient à la France ses deux camps. De nos jours ces luttes ne sont pas totalement éteintes ; elles semblent même, ces temps-ci, se renouveler à la veille de la commémoration du baptême. [...]

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