Le Père Daniélou à l'Ecole de Sèvres (1941-1974)

Le Père Daniélou à l’École de Sèvres (1941-1974)

Quand on était reçue au concours de l’École de Sèvres, et que l’enthousiasme de vos vingt ans avait du mal à se satisfaire du monde gris de la préparation de vos certificats et de la perspective de l’agrégation, la Providence vous réservait une chance immense : la connaissance et l’amitié du Père Daniélou. Depuis 1941, époque à laquelle il avait accepté d’être aumônier dans cette École, il y était devenu une figure célèbre, et même celles qui n’étaient pas confites en dévotion ne pouvaient s’empêcher de sourire quand on prononçait son nom ; un volcan, vous disait-on ; il était si facile de camper son personnage avec sa nervosité, son allure précipitée, son mépris total de tout soin vestimentaire et lors de la « revue » satirique du début de l’année, il tenait absolument à prêter sa soutane, même quand il n’en portait plus, pour qu’une Sévrienne vînt faire rire l’assistance aux éclats en gesticulant sur scène, entrecoupant ses phrases de « n’est-ce pas ? » et finissant par renverser sa tasse de café sur ses genoux. Chacune de celles pour qui il est devenu un grand ami par la suite doit garder un souvenir très vif de la première rencontre avec lui ; dans mon cas, les circonstances furent très banales : poussée par la curiosité, j’étais allée tout simplement écouter sa conférence hebdomadaire du mardi soir qui avait lieu dans une salle de cours ordinaire, et je restais un moment dans ce long couloir, hésitant à entrer, et j’entends encore le timbre de sa voix raisonner ; c’était une voix aiguë et crispée et en même temps passionnée, si désireuse d’établir un contact avec l’auditoire ; et dès qu’il vous avait aperçue, il vous accueillait avec son enthousiasme comme s’il n’attendait que vous ; du reste il vous attendrait tous les mardis soirs, ayant du mal à cacher sa déception si une absence se répétait ; il était très sensible à votre assiduité ; si vous n’étiez pas catholique, il vous acceptait d’emblée, et vous traitait tout de suite sur un plan d’égalité, au point même que beaucoup de Sévriennes ne se rendirent pas compte du grand effort qu’il faisait en leur faveur ; on savait bien qu’il revenait à l’instant de Rome et qu’il allait prendre le train ou l’avion le....

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