Vingt ans de Quartier latin

Vingt ans de Quartier latin

Surgis de la mémoire, des visages en foule réclament une voix : les milliers – peut-être dizaines de milliers – de ceux qui furent jeunes et étudiants et pour qui le Père Daniélou fut un compagnon familier et irremplaçable, et la référence sur le chemin de la foi.

Je tairai donc le plus personnel, que la mort aurait pu mettre au jour (et pourtant, il me faut rendre grâce pour ce matin de septembre 1944 où le Père Daniélou m’accueillit aux Études, alors que j’étais en quête de l’aumônier jéciste de la Sorbonne. Comment sut-il faire déposer l’armure de dureté imposée à mes dix-huit ans par les sombres jours et leur cruauté...).

Je ne me ferai pas davantage mémorialiste, ni panégyriste. Car je dois être seulement un honnête porte-parole des voix anonymes, pour ces années où il fut notre aumônier, où je fis partie de ses élèves, avant de partager avec lui le ministère auprès des universitaires et des étudiants.

Et pourant, une confidence – ou un demi-aveu – consenti presque en public, éclaire sans doute ce qu’a été pendant ces années la vie du Père Daniélou : « J’aurais pu faire une carrière scientifique et consacrer mes forces à l’érudition patristique. J’ai préféré me mettre au service de l’apostolat, et être toujours disponible à toute demande, même si je ne dois être qu’un vulgarisateur. »

Je garantis, non l’exactitude des mots, mais celle de la pensée : j’entends encore le ton de la phrase, même si je ne peux pas la restituer littéralement.

Et, de fait, vers 1950, lorsque nous nous mîmes à éditer ses cours de patristique, dont les manuscrits, rédigés sans une rature, sur des copies « écolier » à petits carreaux, nous étaient généreusement confiés, combien de fois avons-nous ri en voyant des mentions d’ouvrages non encore publiés, pour lesquels notre imagination complétait les fantaisistes références, ou des citations patristiques 24 * aussi splendides que d’origine pafois incertaine ou controuvée....

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