"Les objets n'ont pas d'âme, mais ils parlent à l'âme"- Homélie pour la consécration de l'autel, Notre-Dame de Paris, 16 juin 1989

Les objets n’ont pas d’âme, mais ils parlent à l’âme

Homélie pour la consécration de l’autel, Notre-Dame de Paris, 16 juin 1989

Lectures : 1 Maccabées 4, 52-59

2 Corinthiens 4, 7-15

Jean 4, 1- 42

’est un grand mystère, plein de contradictions, que nous sommes en train de vivre. Car voici un objet solide, matériel, construit. La matière est belle, elle résonne. Les signes sont posés, on peut les nommer : de face, les quatre évangélistes (chacun a même son nom inscrit à ses pieds : Matthieu, Marc, Luc et Jean), et puis les quatre grands prophètes, deux de chaque côté de l’autel (Ézéchiel et Daniel à gauche, Jérémie et Isaïe à droite).

Nous sommes donc ainsi dans des représentations qui nous sont familières. Et pourtant, ce que nous venons d’entendre nous pousse comme au-delà du sensible, au-delà des objets : dans la vie qui vient de Dieu, dans nos vies données à Dieu, dans nos vies pour Dieu, dans ce culte rendu à Dieu, dans l’Esprit Saint et dans la Vérité, comme Jésus l’enseigne à cette femme de Samarie (Jean 4, 23).

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Alors, chers amis, arrêtons-nous un instant, si vous le voulez bien, pour faire mémoire de cette contradiction apparente, pour saisir que les gestes que j’accomplis aujourd’hui, et qui sont scellés dans le concret sensible, s’inscrivent dans une histoire foncièrement spirituelle. Car ces rites ont une portée dans et pour l’Église où nous sommes, et qui n’est pas simplement l’édifice où nous nous trouvons en ce moment, mais la foule des fidèles qui appartiennent au rassemblement au cours des siècles des disciples de Jésus, la multitude des baptisés en son nom, des frères et des sœurs du Christ, de celles et ceux qui appartiennent à notre Église sainte, catholique, apostolique.

Les objets eux-mêmes n’ont pas d’âme, mais ils parlent à l’âme, aux âmes. Ils parlent à la liberté, ils sont faits pour libérer. Mais cette liberté n’est pas un arbitraire autonome. Elle découle d’une source, d’une histoire. Il faut donc que, pour cette consécration nouvelle du Temple, nous gardions mémoire de celle que rappelle le Livre des Martyrs d’Israël – notre première lecture. La joie de la consécration est puisée dans notre tradition liturgique qui remonte à la Première Alliance et qui n’a pas cessé de s’actualiser au fil des siècles.

C’est pourquoi j’ai souhaité que la consécration de cet autel soit désormais associée à l’anniversaire de la dernière dédicace de cette cathédrale, il y a un peu plus d’un siècle ¹, faisant ainsi mémoire de ses origines et de sa construction, et donc de siècles d’annonce de l’Évangile en ce lieu, sur ces rives de la Seine.

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Que signifie cette consécration ? Pour chacun de nous, c’est simple et cela peut se résumer en une béatitude : « Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu »

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 1 La dédicace de Notre-Dame de Paris a eu lieu le 31 mai 1864, à la fin des importants travaux de restauration entrepris vingt ans plus tôt par Jean-Baptiste Lassus (1807-1857) avec Eugène Viollet-leDuc (1814-1879) et achevés par le second après la mort du premier.