La revanche de l'image

Catherine GRENIER
L'image aujourd'hui - n°168 Juillet - Aout 2003 - Page n° 37

Dans l'art contemporain, l'image peinte ou sculptée connaît aujourd'hui un regain. Tandis que l'art du XXe siècle s'est fait abstrait au nom de l'idéal de l'icône, et de la ressemblance absolue, l'art d'aujourd'hui renoue avec l'image en tant que dissemblance et figure. Il redécouvre le portrait, l'immanence, le réel et l'humain. De nombreuses œuvres contemporaines sont ici analysées.

De nombreuses expositions au cours de ces derniers mois en ont témoigné, de nombreux écrits l’ont souligné, aux côtés des formes plus avant-gardistes de l’installation et des nouveaux médias, la peinture et la sculpture vivent aujourd’hui un retour, ou du moins une véritable réhabilitation, au sein de la scène artistique internationale. Ce qui constitue un phénomène est d’ailleurs moins que de jeunes artistes issus d’une filiation moderniste réutilisent des modes traditionnels de création, jamais totalement  oubliés, que le fait qu’ils les utilisent dans le but de représenter – et que la représentation, et particulièrement « l’image », aient pris, toutes techniques nouvelles et anciennes confondues, une actualité si vive. Chez les artistes, dont on remarque qu’ils utilisent souvent indifféremment ou simultanément la peinture, la photographie, le film, l’installation, tous les moyens semblent bons pour faire image.

En clair : pour figurer, la figure humaine étant le pivot autour duquel s’organisent la grande majorité des oeuvres produites récemment. Avec le développement de ces images qui placent au centre du projet artistique l’homme, son corps, associé à une injonction fondamentale que Kendell Geer désigne comme le « principe de réalité », avec le nouveau positionnement de l’artiste qui se revendique « image maker » comme le proclame Wim Delvoye, c’est peut-être la revanche de l’image contre l’icône qui s’engage. On peut en effet observer à quel point, au cours du XXe siècle, l’icône a supplanté l’image comme référent privilégié de l’art, mais aussi de toute la culture, et même de la religion. En France particulièrement, le refus de l’image s’est manifesté de façon récurrente, particulièrement au travers d’un rejet de la peinture et de la sculpture figuratives. Cet iconoclasme moderniste, qui dans ses prémisses n’attentait pas à la peinture mais principalement à l’image, a dans le pays de la séparation de l’Église et de l’État, des résonances idéologiques qu’il est intéressant de relier à l’émergence d’une société et d’une culture laïques, inventant dans l’art des formes de spiritualité dégagées de la sujétion à une représentation chrétienne du monde. On peut noter par ailleurs, que le retour actuel de l’image intervient dans un contexte où la conception chrétienne de l’homme, sinon l’utilisation d’une iconographie religieuse, croise ou imprègne la représentation et le questionnement existentiel dont elle est porteuse. [...]


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