Poèmes - À l'épreuve du réel

M. Bohuslav REINEK
Poésie et Incarnation - n°192 Juillet - Aout 2007 - Page n° 75

Le seuil couvert de neige
Quel ange me glisse
sous la porte une lettre blanche ?
Je l'ouvre avec méfiance : vais-je lire
de la douleur?

J'ouvre. Étoiles cachées. Le village
bruisse de neige sous les éclats de
Noël.
 
Il oublie, se souvient.
Le seuil est heureux, blanc.
Étoiles imprimées, traces du paradis, écriture d'un
moment d'angoisse
que laissa un oiseau en courant çà et là.
 
Traces
Il y a des traces. Des traces inconnues.
Elles vont, nous allons. Avec elles nous cherchons,
nous croisons le gel et les pierres.

Les crevasses des talons, les contours des doigts.
Une croix de traces. Plus personne ne pend.
Les plaies sont tombées puis ont noirci.

Les blessures se sont enfoncées dans la boue.
Le chemin des traces est recouvert de neige.
Les pas hésitants se noient.

Il y en a de nouveaux.
Nouveaux, non-nouveaux.
Il y a une étoile. Trois rois marchent
sous le rideau d'Hérode.
 
Manne
Paix avec nous.
Je n'ai rien, seulement la manne de l'attente.
Je la ramasse dans l'ombre des tentes de l'avent. Je
traverse les déserts.

N'ai pas peur de la misère, idiot,
une étoile s'engluera peut-être pour toi
dans la toile d'araignée des oiseaux qui volent
et tu la donneras à l'enfant Jésus.

Peut-être vais-je tresser un soleil
avec la paille de la crèche
pour en vêtir la Mère de Dieu.

Peut-être que, de neige et de gris,
les ours des nuages
te diront la vérité et un conte.
 
Peut-être que le buisson couvera
un grand oeuf de lune
qui scintillera entre ses ailes
et
conduira son poulet ardent
dans les chaumes.

Crois ou non à la noctuelle.
Nous allons à Bethléem.
Les mains vides,
ça ne sera pas pire.

Le Mammon ne nous trompera pas.
Paix avec nous.
 
Les vierges folles
Il n'y a plus d'huile,
brûle, épine de regret,
les soeurs habiles
ne veulent pas nous en verser.

On a poussé la porte
et nous attendons ici.
Le givre pousse à l'aube,
les lèvres des fleurs sont pincées.

 
Les serpents se sont enroulés, les
rats piaillent dans les orties.
L'excrément dans les ordures ne
brûle pas, seulement fume.

Tous les chants aboutissent
au lama sabachtani,
une autre strophe ne connaît pas
la plainte crucifiée.

La faim cherche le chemin
de la prière inconnue.
Nous attendons l'Époux, l'épouse
et la lumière
et le mot et l'Amen.
 
Pietà
Après le poids des clous et la croix
plus bas, encore plus bas
ô Christ, ton poids
kyrie, kyrie,
dans le giron de Marie
livré.

Une pierre et Pietà,
crépuscule dans lequel est ensorcelée
la porte du paradis :
porte et mur d'obscurité,
les genoux de la Mère
chargés du Livide.

Commence le sabbat,
on abat déjà la croix.
L'Innocent est pesé.
Sur les seins de sa Mère,
tels les poids de la grâce,
sa tête est posée.

Les ombres des épines se sont couchées
sur le coeur, sur les bras.
Le sabbat est tout proche,
Pietà.
Le seuil dur de la paix
d'au-delà du monde.
 

Traduction Klará Jelinková et Paul Guillon.


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