Corinne MARION
Un jeune enfant surprend son père en flagrant délit de vanité. Loin de le mépriser, il l'aime davantage. C'est du Pagnol et ça peut remplacer un rayon de bibliothèque.
La gloire de son père
«QUAND ton fils sera un homme, fais-en ton frère ». Ce proverbe kabyle nous transmet un conseil que la sagesse des peuples a condensé de façon lapidaire. Il vise juste, au point sensible des relations parfois délicates entre les fils et leur père.
Trop souvent l'expérience commune ne connaît que des « crises » : le fils, après avoir admiré et/ ou craint son père incarnant à ses yeux la force, l'autorité, peut-être la sagesse, le conteste violemment en constatant qu'il s'était trompé. Le père est alors vilipendé, méprisé, jugé, sans pitié. Maladresse de l'un, exigence implacable de l'autre, amour déçu de part et d'autre, tout pousse le fils à rejeter l'idée qu'il doive quelque chose à son père. Refus quasi prométhéen, rejet des origines, donc du don, affirmation auto-suffisante de soi-même... Je ne me risquerai pas à analyser cette crise complexe, vieille comme le monde, mais qui semble exacerbée à notre époque, à l'image de notre modernité qui ne sait plus d'où lui vient l'existence.
POUR calmer cette angoisse, je ne saurais trop recommander la fraîcheur roborative de Marcel Pagnol. Dans ses souvenirs d'enfance (1), Pagnol raconte avec humour et tendresse cet événement fondateur : l'enfant de huit ans découvre que son père, ce dieu qui, à ses yeux, dominait de très haut l'humanité, est sujet, lui aussi, aux défauts des hommes... Mais rappelons brièvement les faits...