Un chef humain : Tilly dans Les Noces de Magdebourg

Connue pour avoir inspiré à Bernanos le Dialogue des Carmélites, la romancière allemande convertie au catholicisme Gertrud von Le Fort a peint dans les Noces de Magdebourg un officier chrétien, Tilly. C'est l'occasion d'une méditation sur l'honneur et les devoirs du soldat.

SI l'on met à part Jeanne d'Arc, peu nombreux finalement sont les grands soldats et chefs de guerre qui, sortis de l'histoire pour entrer dans la légende, ont  trouvé place aussi dans la fiction. Les drames historiques de Shakespeare sont à cet égard moins probants que la grandiose trilogie de Schiller Le Camp de Wallenstein, Piccolomini, La Mort de Wallenstein: ménagé par le dramaturge, Wallenstein, reître cupide, concurrent sournois de Tilly dont la grave physionomie, ranimée par Gertrud von Le Fort (1876-1971), fait l'objet de ces pages. Le chef-d'oeuvre du genre est assurément l'inoubliable portrait de Koutousof sur les champs de bataille de Guerre et Paix. Mais Le Prince de Hombourg de Kleist est l'antihéros. En général, à l'exception de Tolstoï, le roman historique est une matière difficile, qui ne semble pas réussir particulièrement aux génies militaires. Le narrateur préfère le point de vue de Fabrice del Dongo, le point de vue du combattant, comme l'attestent de poignants récits issus des deux dernière guerres mondiales ou de la guerre d'Espagne : À l'Ouest rien de nouveau (Remarque), Les Croix de bois (Dorgelès), Le Feu (Barbusse), Verdun (Jules Romains), Août Quatorze (Soljénytsine), L'Espoir (Malraux), Pour qui sonne le glas (Hemingway), Stalingrad (Theodor Plievier), Pilote de guerre (Saint-Exupéry)... Nous ne dressons pas une liste.

On hésitera cependant à ranger sans plus le « roman » de Gertrud von Le Fort, Les Noces de Magdebourg, sous la rubrique de l'histoire romancée, tant ce fragment de chronique de la guerre de Trente Ans est pénétré et transcendé par une méditation sur la guerre et la paix, et sur la réconciliation. [...]