Contre la normalisation

Le dialogue entre l'Église et la société obéit à une règle du jeu : celle du débat médiatique et démocratique. En rappelant que le jeu n'est pas tout et en proclamant fermement le contenu de ce qui la fait exister, l'Église peut jouer le jeu mieux que toute autre institution et sauver la société de la normalisation.

Église et société : les partenaires du dialogue

L'objet de la présente réflexion est le rapport entre l'Église et la société. Qu'entendre par ces deux termes ? Sous le nom d'Église, j'entendrai ici non pas l'institution et ses règles de fonctionnement (tout baptisé est l'Église), ni simplement l'ensemble de la société des chrétiens (car tout baptisé est d'abord un païen et un pécheur, qui se fond par là dans la masse des hommes), mais ce qui en eux est l'Église, le mystère vécu et pensé du Christ qui agit secrètement par eux. Leur conscience est donc la médiation par laquelle ils peuvent agir et parler. Sous le nom de société civile, j'entends ici non pas l'État, avec son appareil de pouvoir, ni simplement les individus qui le composent, mais les règles sociales qui organisent leur rencontre, et qui ne proviennent pas simplement de l'ordre politique. Car l'ordre social ne découle pas directement, et de moins en moins, de la soumission à un pouvoir souverain ; de plus en plus, c'est lui qui impose ses normes (on dit souvent, plus vaguement, ses « valeurs ») à l'État, lequel entérine l'évolution des moeurs en l'inscrivant dans sa législation. Les deux partenaires étant ainsi fixés, peut-il y avoir dialogue entre eux ? — On peut  se poser la question sous trois aspects : [...]