Sur la naissance spirituelle

La béatitude des cœurs purs nous renvoie au mystère trinitaire de Dieu, et à celui de la personne humaine appelée à participer à la vie divine : la vision de Dieu exige l'incarnation du Fils, image du Père invisible ; le cœur pur est celui de l'humanité parfaite du Christ avant d'être celui du saint ; enfui la béatitude est l'effusion en l'homme de la vie divine.

« Que mon sang me soit remis, je te le rendrai.» (Pierre-Jean Jouve, «De Deo» Sueur de sang).

Théologie et Économie, pour reprendre une différence chère aux Pères, renvoient à un même Mystère, celui de la fécondité en personnes de la charité : éternel partage trinitaire ou appel à la vie éternelle d'un être né poussière. Aussi la faible mesure de nos concepts peut elle demeurer frappée de stupeur devant la Révélation d'un Dieu non-anonyme, mais qui a la tendresse d'un Père, la désarmante proximité d'un frère en humanité ou la délicatesse d'un Esprit. L'éternité ne nous suffira pas pour nous émerveiller de cette vie personnelle, en Dieu et chez les hommes. Seule l'épreuve de cette joie sans égale qu'est l'enfantement et la paternité (et la maternité sans doute plus encore) pourrait bien donner à penser et à vivre, âme et corps à la fois, cet événement inouï et tant de fois répété depuis la création du monde qu'est le surgissement à soi d'une personne — et même si les yeux nous manquent encore pour l'accueillir à sa juste mesure, au moment où la vie dans son premier dénuement, dans tant de faiblesse prenant chair d'homme, nous est pourtant déjà tout entière donnée à l'heure de l'enfantement, à l'heure où le miracle d'une vie absolument neuve s'accomplit dans le plus grand secret. Nous n'avons pas les yeux pour reconnaître ce premier signe de la grâce : au jour de notre conception seul le Père céleste se réjouit déjà d'être à nouveau père. Aussi bien est-ce dans cette autre naissance qui prend toute notre vie d'homme — vie spirituelle nourrie dans la prière et la pureté du coeur — que devient proprement visible cette tournure personnelle de la vie. [...]