Grégoire le Grand : un veilleur de Dieu à l'aube du Moyen Age

Attestations

Grégoire le Grand croyait assister à la fin du monde. Il ne vivait que la fin d'un monde et contribuait, précisément parce qu'il prenait au sérieux les exigences eschatologiques dans leur radicalité, à la naissance d'un monde nouveau. Cette transition culturelle peut nous servir aujourd'hui d'exemple.

 1ère page, 58, jointe.

JE voudrais aller tout de suite au coeur du paradoxe que cet article va tenter d'approfondir. La fin du sixième siècle et le début du septième constituent indéniablement une époque de crise et même d'effondrement, surtout à Rome et en Italie. Le pape saint Grégoire le Grand (590-604) est intensément solidaire de cette crise qui semble détruire définitivement la société dont il est issu. Il pense même sincèrement vivre des années de malheur qui précèdent la fin du monde, et, tout au long de son ministère de pape, il ne cessera pas de mettre ses contemporains en état d'alerte spirituelle. Cet homme, que l'on pourrait considérer comme le témoin impuissant d'un monde qui s'achève, apparaît, avec le recul du temps, comme l'un des Pères fondateurs de la nouvelle civilisation appelée Moyen Age et qui s'épanouira plus de deux siècles après lui.

Nous sommes là devant un paradoxe étonnant : tout en vivant dans la souffrance les soubresauts d'une civilisation qui semble disparaître, Grégoire le Grand a participé à l'enfantement d'un monde nouveau ; pour une raison majeure : parce qu'il a interprété et vécu l'histoire désastreuse de son temps dans une permanente référence à Dieu, « maître des temps et de l'histoire », et dans l'attente passionnée de son Royaume.

L'Italie, Rome et Grégoire à la fin du sixième siècle

A tous égards, la fin du sixième siècle est marquée, en Italie et à Rome, par des bouleversements considérables. L'Italie se trouve de plus en plus livrée à elle-même, malgré la présence de garnisons byzantines à Rome, à Ravenne et à (p.58)

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Claude DAGENS