La prière monastique

La prière monastique n'est autre que le retournement de toute l'existence vers sa source oubliée. Elle n'est donc pas d'abord « oraison mentale », ni même exclusivement prière liturgique. Le plus simple est de «méditer et rouler sans cesse dans son coeur » un verset de l'écriture. Encore faut-il décrire en quoi consiste cette « simplicité » et surtout la prière naturelle qu'elle suppose.

 «La prière est l’activité qui convient le mieux à la dignité de l’intellect, c’est-à-dire, son emploi le meilleur et le plus authentique.» (Évagre, La prière, 83)

Y a-t-il une méthode de prière typiquement monastique, et si oui, quelle est-elle ? La question est d’emblée disqualifiée par la sentence d’Évagre (ca. 345-399) citée en tête de cet article. Depuis cette lointaine fin du IV^e siècle, le premier théoricien chrétien de l’expérience monastique nous dit que la prière, cette réalité devenue si étrange ou si fascinante pour nos contemporains qu’il leur faut désormais la passer littéralement au scanner pour tenter de la comprendre, est pourtant l’activité la plus naturelle de l’homme. Or si prier est quelque chose de naturel, d’aussi naturel, voire de plus naturel que de respirer ou de vivre, nul besoin de méthode pour l’apprendre.

Peut-être est-ce cela, la prière monastique : la prière qui n’a pas besoin d’être apprise. La prière que nous savons toujours déjà parce qu’elle est en nous. 

Certes, dans le dévalement de notre existence, où nous oublions sans cesse d’être ce que nous sommes, nous avons vite fait de perdre le souvenir de cette vraie prière, et que sa source était en nous. La méthode de prière monastique, s’il en existe une, n’est pas une méthode de prière, c’est le retournement de toute l’existence vers sa source oubliée. Seul ce que le jargon appelle la « conversion des moeurs¹ » reconduira à la prière.[...]
 

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1. Saint Benoît, Règle des moines, 58, 17.