Devant la platitude de l'histoire moderne, on peut être tenté de rejeter le  christianisme pour retrouver dans le paganisme le salut que notre époque implore. Cette démarche n'est-elle pas illusoire, fondée sur une vision fausse du christianisme, du paganisme et de la modernité?

I. La chair de la modernité

« Seul en Europe tu n'es pas antique ô christianisme... » Sans doute la prophétie d'Apollinaire se réalise chaque jour et le poète n'a pas versé là le moindre de ses alcools. Mais quel sens donner encore à ces paroles si on les confronte à celles d'un autre prophète du siècle naissant, Charles Péguy : « C'est qu'ils ne sont en effet ni païens, ni chrétiens, ni spirituels, ni charnels. Ils sont modernes... Pour un long jour gardez, retenez votre âme païenne. Comme vous avez arraché à ces stupides modernes les vivants témoignages de votre chrétienté, ainsi arrachez-leur pendant tout un jour les lambeaux sacrés de votre ensevelissement. D'une âme païenne on peut faire une âme chrétienne. Mais eux, qui ne sont rien, ni anciens ni nouveaux, ni plastiques ni musiciens, ni spirituels ni charnels, ni païens ni chrétiens, eux, ces morts vivants, qu'en ferons-nous ?».

La lassitude de l'Histoire répond à l'émerveillement du poète. Comment concilier ces assurances opposées ? Le christianisme n'est pas antique, le christianisme rompt avec le monde ancien, il est le seul principe de démythologisation qui ne soit pas en même temps une cause de désenchantement, voilà l'avis qui s'affirme d'un côté. [...]

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