La force de la vérité

Si l'intuition centrale qui a présidé aux demandes pontificales de pardon est juste, un dialogue plus actif entre théologiens et historiens devrait avoir lieu. Sans préjuger des difficultés théologiques laissées ouvertes par les démarches de Jean-Paul II, il conviendrait aussi, du côté des historiens, de s'interroger sur les raisons et les limites de la réserve, voire du silence qui ont prévalu chez eux.

Richesse de l’histoire, richesse de l’Église

Les demandes de pardon du Pape ne se comprennent que placées dans leur lumière centrale : elles sont une conséquence nécessaire – mais une parmi d’autres – de l’appel à la conversion radicale des chrétiens lancé par le Pape dans la perspective du grand Jubilé. La conversion ne scinde pas l’être humain, elle lui fait au contraire retrouver son essentielle unité : c’est donc la totalité qui doit être convertie en lui, y compris son rapport à l’histoire.

Pourquoi l’audace quasi inouïe de ce regard rétrospectif sur l’histoire ?

Ces démarches ne relèvent donc pas du coup médiatique, même si ce sont des prises de paroles publiques, assumées comme telles par une autorité parfaitement consciente de ce qu’elle bouscule. Leur fréquence témoigne d’une claire option. Leur but n’est ni de faire macérer les chrétiens dans une culpabilité envahissante, ni, encore moins, de permettre à bon compte aux générations présentes de se défausser de leurs responsabilités d’aujourd’hui en accusant des générations antérieures qu’il serait d’autant plus facile de condamner qu’elles ne disposent pas forcément de bons avocats. Accuser hier serait alors le moyen de détourner le regard des fautes d’aujourd’hui. Il ne saurait s’agir enfin de prétendre se substituer à Dieu dans le jugement moral des actes commis jadis, parfois en toute bonne conscience, et qui posent aujourd’hui un problème à qui, rétrospectivement, a du mal à reconnaître en eux des actes conformes
à l’Évangile. [...]