La vérité du sacrement de pénitence

R. P. Georges CHANTRAINE
La pénitence - n°19 Septembre - Octobre 1978 - Page n° 8

La réconciliation ne vient au pécheur que du Dieu de Jésus-Christ ; et, comme tout autre don, elle ne peut lui venir que par l'Église, corps du Christ et aussi communauté des saints.

Les deux premières pages, 8 et 9, sont jointes.

PEUT-ÊTRE, de tous les sacrements, celui de la pénitence est-il le plus fragile. Il est offert à des chrétiens qui ont péché et sont invités à se reconnaître pécheurs devant Dieu et devant leurs frères. Leur conversion, leur aveu et leur pénitence font partie du signe sacramentel et de la grâce qu'il confère. Par là, le sacrement communique avec la « culture », entendue ici comme ce par quoi l'homme se signifie lui-même ; il donne une forme déterminée aux symboles de la culpa­bilité (péché, faute, souillure) et à l'identification sociale. S'il vient à se produire quelque. « déplacement dans la symbolique du péché » (1) ou quelque perturbation de l'identification sociale (2), il en sera vraisem­blablement affecté. Or c'est ce qui, selon certains, serait en train de se produire et' expliquerait, au moins pour une part, la « crise de la confes­sion » et le succès de l'absolution collective (3). Explication toute hypo­thétique, qui n'autorise aucune conclusion d'ordre pastoral. Cependant, sans rien perdre en principe de son caractère hypothétique, ce type d'ex­plication séduira, voire s'imposera, si l'on croit que « les pratiques pénitentielles et la théologie du péché en christianisme... constituent seule­ment une variante » des « grands éléments qui structurent l'anthropologie religieuse, et l'anthropologie tout court » (4). Sans rien nier des analogies entre le sacrement et les rites pénitentiels communs à l'huma­nité, il conviendra au contraire de rappeler que le sacrement de pénitence n'entre pas comme une variante dans une espèce ni même comme une espèce dans un genre ; il forme à lui seul un genre unique.

1. L'acte du pénitent

Cela apparaît précisément là où les analogies sont les plus visibles : dans l'acte du pénitent. La théologie thomiste, qui en la matière est devenue classique, sinon commune, voit dans cet acte un élément consti­tutif du sacrement : par sa contrition et sa confession, comme par l'oeu­vre de pénitence qui satisfait au péché, le pénitent pose, pour sa part, le signe efficace de la grâce (5).

Comment cela se peut-il faire ? L'homme pourrait-il, en se la signi­fiant, se donner la grâce ? Non, il la reçoit tout entière, mais non sans s'y ouvrir et sans signifier à ses frères cette ouverture, elle-même oeuvre de la grâce (6). Ainsi, paradoxalement, l'acte du pénitent fait partie constitutive de l'opus operatum (sacrement comme effectué) ; bien qu'il soit son acte, il ne se réduit pas à être l'opus operantis, l'oeuvre de celui qui opère. Qu'est-ce à dire ? Nul n'ignore que l'absolution fait partie constitutive de l'opus operatum : tenant la place de Jésus-Christ, le prêtre accorde le pardon du Père plein de miséricorde. Dira-t-on que le pénitent tient également, quoiqu'à un autre titre, la place de Jésus-Christ ? Qu'enseigne au sujet de l'acte du pénitent la théologie la plus classique ? Elle demande que la contrition soit une vraie détestation du péché, que la confession soit faite de manière complète pour les péchés graves ou mortels à un prêtre muni du pouvoir d'absoudre ; et elle admet une satisfaction qui, même unie à une vie mortifiée, est sans proportion avec l'offense faite à Dieu. Or, qu'arrive-t-il pour peu qu'on ne tienne plus en fait qu'un tel acte est partie constitutive de l'opus operatum ? On se met à désintégrer le sacrement lui-même en le réduisant à ses composantes anthropologiques ; on en vient à faire de lui une « varian­te » d'un rituel pénitentiel où l'homme se signifie lui-même. L'entreprise n'est pas d'hier. Nous en verrons, à titre d'exemple, deux effets repéra­bles au XVIe siècle et au nôtre.

Dès qu'on regarde l'acte du pénitent comme opus operantis plus que comme opus operatum, en d'autres termes comme acte d'un homme

(1)  L.-M. Chauvet, • Pratique pénitentielle et péché ., dans Le Supplément, 120-121, 1977, p. 49.

(2)  Cf. Chr. Duquoc, « Réconciliation réelle et réconciliation sacramentelle « dans Concilium, 61, 1971, 25-34.

(3)  L.-M. Chauvet, op. cit., p. 44 :.... Ce succès numérique est irréductible d l'attrait du " tout nou­veau, tout beau " : les chiffres, en effet, semblent se maintenir sensiblement depuis deux ans .. Nous ne sommes donc pas dans la longue durée, ce qui est indispensable pour conjecturer seulement (a for­tiori pour diagnostiquer) quelque déplacement dans la symbolique du péché.

(4)  L.-M. Chauvet, op. cit., p. 43.

(5)  K. Ratiner, • Vérités oubliées concernant le sacrement de pénitence ., dans Ecrits théologiques, 2, p. 170.181.

(61 On reconnaît ici la vérité d'une intuition luthérienne : pas de rémission du péché sans foi ; seule­ment la foi se signifie dans la contrition, la confession et la satisfaction, parce qu'elle n'est pas pure passivité devant Dieu.

 

 

 

 


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