L'artiste et son modèle

Robert TOLLAST
Sainteté dans la civilisation - n°73 Septembre - Octobre 1987 - Page n° 76

 Comment peindre le portrait d'une personne, si celle-ci, comme tout homme, est elle-même à l'image de Dieu ? Comment exprimer, avec l'exaltation de la création, et malgré le jugement, positif ou négatif que l'on peut porter, l'infini respect que mérite un visage? Un peintre donne son témoignage.

L'artiste et son modèle

EXISTE-T-IL encore des portraitistes aujourd'hui? Combien de nos contemporains en ont-ils vraiment rencontré un ? Aux XVIe et XVIIe siècles, le portrait constituait un à-côté lucratif dans un métier consistant surtout à mettre des récits en images dans les églises et les nobles demeures. Le peintre expert en scènes mythologiques pouvait également (mais pas toujours) utiliser son savoir-faire dans l'art du portrait, laissant dans le meilleur des cas un témoignage sans égal sur une personnalité célèbre ou séduisante, et dans la pire hypothèse la représentation conventionnelle d'un personnage respecté, mais apparemment sans âme.
De nos jours, l'intérêt des tableaux narratifs et hagiographiques a disparu face à la télévision et au cinéma. Tout ce qui est visualisable peut être magnifiquement (et à moindres frais) fixé,reproduit et diffusé. Si bien que le peintre portraitiste a du mal à justifier son existence. Pour y contribuer cependant, je me permettrai de souligner
certaines des différences que l'on peut relever entre l'image artistique et l'image photographique. Cette dernière est, au mieux, une représentation mécanique contrôlée par un artiste.Je reconnais bien volontiers qu'un photographe est un véritable artiste. Je dirai même que les grands photographes de notre temps — comme Cartier-Bresson et Ansel Adams — n'ont jamais eu besoin de signer leurs oeuvres, tellement leur manière d'enregistrer le visible est personnelle et caractéristique. Mais l'artiste qui ne travaille comme moi qu'avec son oeil et sa main ne peut recourir à aucun moyen mécanique pour produire son oeuvre définitive. La représentation qu'il donne est totalement humaine, avec tout ce que cela implique de possibilité d'erreur,d'exagération et de singularité. Le photographe jouit assurément d'une liberté. Mais l'artiste peintre encore plus. C'est là...

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