Balthasar lecteur de Péguy

Jean-Baptiste SEBE
Littérature et Vérité - n°235 Septembre - Octobre 2014 - Page n° 105

L'œuvre de Péguy apporte une contribution spécifique à la théologie de l'histoire développée par Balthasar. Les intuitions centrales du poète rejoignent en effet la réflexion du théologien sur la manière dont l'expérience temporelle du Christ reconfigure l'expérience humaine du temps. C’est pourquoi l'auteur sollicite Balthasar lecteur de Péguy non plus seulement du côté de la poésie mais plutôt du côté théâtre, du critique qu’il fut, de son esquisse de la philosophie du théâtre et de l’histoire.  En comprenant comment Jésus Christ a vécu sa propre condition temporelle et, parce que la foi place l’Incarnation au centre de l’histoire, l’auteur veut montrer l’apport spécifique de Péguy à la théologie balthasarienne de l’histoire : c’est ainsi qu’il sollicite Balthasar lecteur de Péguy non plus seulement du côté de la poésie mais plutôt du côté théâtre, du critique qu’il fut, de son esquisse de la philosophie du théâtre et de l’histoire.

 

 
Dans l’histoire complexe des relations entre théologie et littérature, Balthasar occupe une place singulière qu’il n’a jamais voulu thématiser autrement qu’en renvoyant à la lecture des oeuvres littéraires qui l’ont nourri. Ainsi ce conseil donné autrefois aux étudiants de l’Institut Catholique de Paris, lors de l’une de ses visites : pour comprendre son oeuvre, il fallait avant tout lire Bernanos, Péguy, Claudel, Calderòn, Dante… Sans plus de précisions, il fournissait un guide de lecture. Mais cette indication de Balthasar est mince. Elle n’est qu’un conseil, une direction. Lisez et vous verrez, semblait-il dire. C’est dans la lecture intime de l’oeuvre littéraire elle-même que se perçoit un mode de contact qui relève de la passivité de l’écoute et non pas d’abord de la posture herméneutique. Ainsi se construit un dialogue patient entre le théologien et les oeuvres, éclats lumineux de la belle figure du Christ. Mais la lecture conjoint en un seul geste, esthétique et dramatique, beauté et histoire. La lecture du poète jésuite anglais G.-M. Hopkins ouvre au théologien une vision christophanique de la réalité. À partir d’une expression poétiquement puissante de l’idée scotiste fondamentale selon laquelle le sacrifice du Fils est la première pensée de Dieu sur le monde, « Hopkins ne s’intéresse qu’à l’ordre réel du monde (et non à la question de savoir ce qui serait arrivé si Adam n’avait pas péché) ; or, cet ordre est fondé sur le “Grand Sacrifice” du Fils, et c’est à l’idée de ce sacrifice que se rattache en idée toute autre créature. Mais ce “Grand Sacrifice” qui fonde tout, c’est la manière dont le don de soi, le pur altruisme de l’existence des personnes trinitaires peut d’abord se manifester à l’extérieur1. » Cette perspective « extérieure », dans l’économie, ouvre à une réflexion sur l’apport de la lecture des oeuvres littéraires à la théologie balthasarienne de l’histoire. Comme le dit Ph. Dockwiller : « Avec Balthasar, l’histoire n’est pas uniquement le contenant de l’incarnation de Dieu qui y paraît alors comme contenu. Le Verbe de Dieu contient l’histoire2. » [...]
 
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1 La Gloire et la Croix. Les aspects esthétiques de la révélation, II/2, Styles, Paris, Aubier, 1972, p. 258, désormais cité GC suivi du numéro du volume et de la page.

2 Ph. Dockwiller, Le temps du Christ. Coeur et fin de la théologie de l’histoire selon Hans Urs von Balthasar, Paris, Cerf, Cogitatio Fidei 280, 2011, p.17.


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