M. Jan-Heiner TÜCK
L'examen de conscience
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n°241
Septembre - Octobre
2015 - Page n° 104
Inversant la question de la justification de Dieu face à la souffrance, le pape François, lors de sa visite à Yad Vashem, parle d’Auschwitz comme lieu de la révélation de l’inhumanité de l’homme et de la souffrance de Dieu. Sa brève et intense méditation se transforme en prière pour les victimes et pour les bourreaux.
Où était Dieu à Auschwitz ? On ne cesse de poser cette question. Certains représentants de la théologie juive de l’Holocauste ont interprété ce lieu de l’horreur comme un Anti-Sinaï, comme le retrait de l’acceptation de l’Alliance, et même comme la révélation de la mort de Dieu. « Loué sois-tu, personne », lit-on dans Psaume de Paul Celan. Des penseurs comme Hans Jonas ont laissé entendre qu’après Auschwitz, l’idée d’un Dieu maître de l’histoire était dépassée et ont parlé d’un « Dieu impuissant ». « Il n’est pas intervenu, non parce qu’il ne voulait pas, mais parce qu’il ne pouvait pas1 ». Mais un Dieu qui laisse les assassins triompher de leur victime est-il encore Dieu ? D’autres qui se refusent à déposséder Dieu de sa puissance ont parlé – encore plus hardiment – d’une « faute de Dieu » en se référant pour cela au passage obscur du prophète Isaïe : « Je crée les ténèbres […] et je crée le malheur2 » (Isaïe 45,7).
Au cours de sa visite à Auschwitz, Benoit XVI, le pape venant du pays des assassins, s’est abstenu de tout commentaire. Devant le mur de la mort où d’innombrables habitants du camp ont été fusillés, il s’est recueilli pour faire mémoire des victimes dans une prière silencieuse. Dans son allocution finale, il a exprimé le cri vers Dieu par la langue des psaumes3 (voir Psaume 44).
Dieu a perdu l’homme
Il en va autrement de son successeur. Au cours de sa visite au mémorial de Yad Vashem à Jérusalem le 26 mai 2014, le pape François a prononcé une méditation brève, mais particulièrement dense. Il y posait la question de savoir où se trouvait l’homme dans ce lieu de l’horreur. « Adam, où te trouves-tu ? » (Genèse, 3,9) fait-il demander à Dieu. Au lieu de poser le problème de la théodicée, celui de la justification de Dieu face au problème de l’histoire de la souffrance dans le monde, le pape François, en un remarquable renversement de perspective, fait poser à Dieu lui-même le problème de l’anthropodicée, c’est-à-dire de la justification de l'homme vis-à-vis de ses crimes. [...]
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1 Hans Jonas, « Der Gottesbegriff nach Auschwitz », dans Gedanken über Gott. Drei Versuche, Francfort sur le Main,1994.
2 Voir Walter Gross – Karl Josef Kuschel, « Ich schaffe Finsternis und Unheil ». Ist Gott verantwortlich für das Übel ?, Mayence, 1992.
3 Voir mon essai « Wo war Gott ? Der deutsche Papst in Auschwitz – eine theologische Nachbetrachtung », dans Der Theologenpapst. Eine kritische Würdigung Benedikts XVI., Fribourg, Herder, 20132, p.122-134.
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