Pascal IDE
Il s’est anéanti
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n°242
Novembre - Décembre
2015 - Page n° 39
De prime abord, le thème de la kénose est central dans la théologie de Hans Urs von Balthasar. Après en avoir brièvement présenté le contenu – l’amour comme don radical de soi – et l'avoir illustré à partir de la kénose du Père, l’article se pose successivement trois questions, relatives à son extension – n’est-elle pas trop large ? –, à son contenu – ne s’identifie-t-elle pas à la perte de soi ? – et à son importance – au fond, pour le théologien suisse, la kénose constitue-t-elle véritablement l’axe du Mystère ?
Quiconque a parcouru quelques livres de Hans Urs von Balthasar a pu se rendre compte que le thème de la kénose est nodal dans sa théologie1 – en particulier dans son oeuvre maîtresse, les 16 volumes composant la Trilogie sur lesquels nous concentrerons notre attention2. Après avoir brièvement rappelé le sens du terme « kénose » et son importance dans la théologie balthasarienne, nous affronterons trois apories qui permettront autant d’en approfondir le sens inédit que d’en interroger la centralité3.
1. Importance de la kénose
Riche est le vocabulaire de la kénose mobilisé par le théologien suisse4. Certains termes appartiennent au champ lexical de la kénose, comme Entleerung (« videment de soi » ou « dépouillement ») ou Vernichtigung (« anéantissement »). D’autres lui sont apparentés, comme Entäusserung (« dessaisissement », « extranéation », « exinanition »), Enteignung (« désappropriation »), Expropriation (qui est le doublet latin de Enteignung), Selbstlosigkeit (« renoncement à soi », « délaissement »), Überlassung (« abandon »), etc.
Pour expliciter le sens du terme « kénose », l’écriture balthasarienne double constamment l’approche conceptuelle ou notionnelle d’une approche schématique5. [...]
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1 Voir éléments bibliographiques à la fin de cet article.
2 Plusieurs textes sont à cet égard décisifs (pour les sigles résumant les ouvrages de la Trilogie, voir le tableau donné en annexe de l’article) : GC III.2 : V.2 et (H III.2.II : I.5.b : « Kénose ») ; DD II.1, 221s (TD II.1, 232 s) ; DD III, 293-314 (TD III, 295-315) ; DD IV, 71-72 (TD IV, 73-74) ; TL III, 218-229 (T III, p. 207-217).
3 Pour la bibliographie secondaire, voir à la fin.
4 Voir Pascal Ide, Une théo-logique du don, p. 30-33.
5 Voir Id.,, Une théologie de l’amour, p. 98-137. Il y va sans doute aussi du génie propre de la langue allemande : « La langue occidentale des Allemands » qui garde « en réserve » la possibilité de sauver « l’ombre profonde […] de la trop grande clarté du feu céleste » (Martin Heidegger, « Comme au jour de fête… », trad. Michel Deguy et François Fédier, Approches de Hölderlin, coll. « tel » n° 269, Paris, Gallimard, 1973, p. 63-98, ici p. 98. Voir aussi Germaine De Staël, De l’Allemagne, 1813, éd. S. Balayé, Paris, Garnier-Flammarion, 1968, 2 vol., tome 1, p. 160). Mais, au-delà de ces racines philosophiques et culturelles, Balthasar retrouve une manière de parler scripturaire et patristique (voir Denys l’Aéropagite, Lettre ix, à Titos, PG 3, 1105 c-d, OEuvres complètes, trad. Maurice de Gandillac, coll. « Bibliothèque philosophique », Paris, Aubier, 1943, p. 353).
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