Églises à vendre

M. Olivier CHALINE
Notre Père II Nom-Règne-Volonté - n°244 Mars - Avril 2016 - Page n° 79

Les ventes et destructions d’églises, pour de bonnes ou mauvaises raisons,  sont  un phénomène préoccupant  parce qu’il risque  fort de prendre de l’ampleur.  Or de tels aces ne sont pas anodins. Dans une étude détaillée et rigoureuse, l’auteur suit ici l’évolution de la législation depuis la loi de séparation des Églises et de l’État jusqu’à nos jours, souligne les enjeux de cette réalité et propose quelques suggestions pour faire vivre les églises menacées de désaffectation.

 

« Le zèle de ta maison me dévore » Psaume 69, 10.

Le quotidien régional haut-normand Paris-Normandie a annoncé au début du printemps 2015 que la municipalité de Rouen envisageait la prochaine mise en vente de deux anciennes églises paroissiales désaffectées, Saint-Nicaise et Saint-Paul. La première juxtapose un choeur xvie siècle orné d’un superbe retable de 1655, une nef et un clocher audacieusement reconstruits en béton après un incendie en 1934 et inscrits de ce fait à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. La seconde est un bâtiment néo-roman du xixe siècle mais dont la sacristie, le choeur de l’ancienne église du xiie siècle, est classée. Il est probable que Saint-Paul est directement promise à la démolition et Saint-Nicaise à la transformation en logements, éventuellement une fois rasée la partie moderne mal conservée1. Il faut remonter à 1791, donc à la Révolution, pour retrouver la fermeture et la vente d’églises paroissiales. 

Telles sont les données dans toute leur sécheresse objective. Elles appellent une série de remarques dont la portée va bien au-delà du caractère apparemment anecdotique et insolite de cette information locale. Car ce qui se joue ici, dans une ville qui passait pour être, depuis Victor Hugo, celle aux « cent clochers » se rencontre ailleurs et pas uniquement en France. Les ventes et destructions d’églises deviennent un phénomène préoccupant car bien des indices laissent deviner qu’il va rapidement prendre de l’ampleur si on ne se montre pas vigilant. Il y a à peine plus de cent ans, après la loi de Séparation de l’Église et de l’État (1905) et le tumulte des inventaires, Maurice Barrès avait pris fait et cause pour les églises en péril et prononcé trois discours retentissants à la Chambre des Députés. En 1914, il avait publié un ouvrage intitulé La grande pitié des églises de France2. Avec le recul du temps, il est possible de dire que la dévolution des églises paroissiales aux communes n’a pas été du tout une mauvaise chose, du moins dans la grande majorité des cas. Mais cette situation pourrait être en train de se modifier et il serait tragique que le titre du livre de Barrès prenne sa pleine signification dans les années qui viennent car il est désormais très facile en France de fermer puis de vendre une église. [...]
 

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1 Dans l’agglomération rouennaise, l’église Sainte-Bernadette du Grand-Quevilly, construction très originale de 1960, vient d’être rasée. À Darnétal, l’église de Carville, XVIe-XVIIe siècle, en plein coeur de la commune, est fermée pour raison de sécurité, la voûte s’effondrant petit à petit. Quel avenir ?

2 Maurice Barrès, La Grande pitié des églises de France, Paris, Émile-Paul Frères, 1914. Nouvelle édition en 2012 due à Michel Leymarie et Michela Passini, Paris, Presses de la Fondation nationale des Sciences Politiques.


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