Pardon à crédit

Dans la cinquième demande du Notre Père, nous demandons le pardon de nos offenses « comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Or la version de l’évangile de Matthieu (6,12), adoptée par les différentes traditions chrétiennes, évoque une remise de dettes (en grec : opheilêmata). Le verset assimile, par le vocabulaire qu’il emploie, la faute, l’offense ou le péché à une dette. « Remets nos dettes comme nous remettons à qui nous doit 1. » Les traductions vernaculaires préfèrent en général traduire comme Luc lui-même a choisi de retranscrire la prière enseignée par Jésus en hébreu ou en araméen : en demandant le pardon des offenses (en grec : hamartias). Ce terme de dette passe donc bien souvent inaperçu.

Certaines versions du Notre Père, comme celle de la Vulgate utilisée dans la liturgie latine, accordent une importance à l’image de la dette : Et dimitte nobis debita nostra. Deux choix apparaissent donc dans la traduction de la cinquième demande : l’option pastorale qui privilégie la compréhension immédiate et celle qui cherche à maintenir fidèlement la lettre, quand bien même la traduction ne se suffirait pas à elle-même et exigerait une catéchèse. La première l’emporte souvent, comme le montre l’article de Paul-Victor  Desarbres2. Dans son article consacré à la modifcation adoptée en décembre 2017 par les catholiques francophones, « ne nous laisse pas entrer en tentation », le Père Denis Dupont-Fauville pose la question suivante : la traduction doit-elle faire l’économie de l’explication ? Ce cahier, en tout cas, a eu tout loisir de chercher à expliquer ce vocabulaire de la dette qui éclaire notre idée du péché et de l’obligation de pardonner à autrui.

Ce mot de dette nous invite à mieux comprendre le pardon des offenses que nous demandons à Dieu et que nous avons déjà reçu initialement. Il permet aussi de se confronter à certaines critiques lancées par Nietzsche contre la morale et la foi chrétienne. Enfn, il nous a semblé que l’image de la dette permet de mieux comprendre le péché en fonction d’une relation avec Dieu et avec nos frères, et donc d’approfondir l’étrange articulation au cœur du verset : « comme nous-mêmes ». Nous sommes en effet placés dans une étrange attitude de débiteurs qui demandent à Dieu de ne pas être comptable de leurs offenses, en comptant sur les offenses qu’ils ont remises à leurs semblables. [...]

 

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1 Bible des écrivains, Bayard, 2001. 

2  Voir Paul-Victor Desarbres, À propos  des traductions de la cinquième demande, p. 49 du présent cahier.


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