Monsieur Paul COLRAT
La grâce du catéchisme
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n°262
Mars - Juin
2019 - Page n° 27
S’il veut suivre l’imperatif de ne pas être appelé « maître », le catéchiste doit admettre l’impossibilité de se concevoir comme un enseignant au sens classique, et devenir non seulement un maître ignorant de ce qu’il transmet vraiment, mais en plus, ultimement, un maître qui aspire à être ignoré du catéchumène.
« Pour vous, ne vous faites pas appeler “Maître”, car vous n’avez qu’un seul Maître et vous êtes tous frères1. » La célèbre phrase de l’Évangile de Matthieu donne à tout chrétien tenté par la catéchèse un singulier coup d’arrêt : nul ne pourrait prétendre au statut de « maître », a fortiori de catéchiste. Cela signifie soit que la catéchèse doit être supprimée, soit qu’elle ne saurait être un enseignement au sens classique, maîtrisant des techniques qui permettraient de faire entrer dans l’esprit d’un élève les informations contenues dans l’esprit du maître.
La catéchèse serait donc au contraire le lieu par excellence où se manifeste l’impossibilité à laquelle doit se confronter toute pédagogie. Le geste catéchétique, par lequel un maître enseigne à un catéchumène les mystères de la Révélation, est grevé d’une série d’apories, qui rendent impossibles de le concevoir comme un enseignement au sens classique. En effet la relation entre le « maître » et son « disciple » – appelons-les ainsi par commodité – cache en réalité une relation triangulaire, entre le maître et le Christ d’une part, et le disciple et le Christ d’autre part. La relation du maître au disciple n’est que l’occasion d’une rencontre de chacun d’eux avec le Christ. La catéchèse repose – doit reposer, pour être authentique – sur un essentiel quiproquo par lequel le maître donne l’impression de parler au disciple, et le disciple d’écouter le maître, alors que leur rapport n’a de sens que parce qu’ils écoutent chacun le maître intérieur.
Pourtant l’impossible communication les lie nécessairement, sans quoi le disciple n’entendrait jamais l’annonce de la Révélation. L’impossible catéchisme n’est ainsi pas ce qui condamne toute catéchèse, mais au contraire ce qui en définit l’exercice même. La saisie de cette impossibilité par celui qui catéchise implique d’abord une certaine manière de catéchiser, distante du souci exténuant d’efficacité, plus proche du témoignage de celui ou de celle qui sait qu’il lui appartient de dire et non de faire croire. Elle implique ensuite, c’est le point moins classique que nous développerons [...]
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1 Évangile de Matthieu, chap. 23, 8. Dans l’édition Nestle-Aland de ce verset, deux mots sont traduits identiquement par « Maître », d’abord Rabbi, puis didaskalos, le maître d’école, le professeur. Très proche, le verset 10 contient le mot kathègètès, qui désigne le guide, voire le maître d’une école philosophique. Le Christ relève donc deux fonctions que l’on peut attribuer à l’enseignant, celle, intellectuelle, de professeur et celle, éthique, de guide.
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