Les béguinages, lieux mystiques ?

M. Gilles FUMEY
Vieillir - n°264 Juillet - Aout 2019 - Page n° 95

À partir du Moyen Âge en Europe du Nord, les béguinages ont permis à des femmes vieillissantes et seules de vivre en pieuse collectivité, sans voeux définitifs. Ce mode de vie inspire aujourd’hui la recherche de nouvelles formes de sociabilité pour les personnes âgées.

 

Dans le temps long de l’histoire des âges de la vie tels qu’ils sont vécus par l’humanité, la période contemporaine est marquée par une démographie vieillissante des pays riches qui ne laisse pas la biologie, les sciences cognitives et la psychosociologie muettes. Au contraire, les recherches se multiplient pour accompagner notamment les évolutions rapides dans les relations intergénérationnelles. Car les classes d’âge d’avant les années 1960 explosent en nombre, modifiant de nombreux équilibres sociaux. Du coup, les connaissances en gériatrie sont telles que certaines populations âgées sont à même d’anticiper la troisième étape de leur vie, une fois retirées du travail contraint. Dans ce nouvel âge lié au recul de la mort1, où l’on distingue la phase active de celle marquée par des formes de dépendance, ceux qui sont « en retraite » manifestent, notamment, une demande de sécurité − liée aux pertes et aux deuils − qui pousse certains à l’anticiper. En se souvenant qu’en Europe du Nord, au mitan du xiie siècle, des formes de vie collective avaient émergé en marge des couvents, portées par la mystique rhénane dont Hildegarde de Bingen est l’un des phares avec, plus tard, Marie d’Oignies ou Ida de Nivelles et bien d’autres. De ces begijnhof dont l’étymologie porte l’idée de « dévotion minutieuse et affectée », il reste des lieux dans l’aire culturelle flamande, la mieux pourvue en institutions, et le souvenir qu’une forme de vie collective, voire communautaire, pourrait inspirer de nouvelles sociabilités pour les personnes âgées d’aujourd’hui.

La géographie des béguinages médiévaux s’est-elle développée sur des aires bien définies de pratiques familiales telles qu’Emmanuel Todd les a analysées dans L’origine des systèmes familiaux2 différenciant des systèmes où la place des individus est régulée par une anthropologie sociale locale très prégnante ? C’est possible. C’est pourquoi on ne cherchera pas ces collectifs indépendants comme les béguinages en Italie où, encore aujourd’hui, les personnes âgées sont prises en charge par les familles, alors qu’en Europe du Nord et en France, la solidarité s’exerce largement avec l’aide de l’État et des collectivités territoriales. Actuellement, vingt-sept bâtiments béguinaux – sur plus de quatre- [...]
 

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1 Paul YONNET, Le recul de la mort, Paris, Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines, 2006.

2 Emmanuel TODD, L’origine des systèmes familiaux, t.1, Paris, Gallimard, 2011. 


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