Dire les frontières − À l’école des langues européennes et bibliques

M. Paul‑Victor DESARBRES
Les frontières - n°266 Novembre - Décembre 2019 - Page n° 16

La diversité des termes utilisés dans les langues européennes et bibliques ou au sein d’une même langue permet non pas d’élaborer une définition précise de la frontière, mais d’en repérer divers aspects concrets : son caractère de limite extrême, sa dimension conflictuelle, contractuelle et relationnelle. Imprécise, ambivalente, mais ineffaçable, la frontière semble être le signe de la pluralité des civilisations établies par Dieu en vue d’une communion (ActesXVII, 26-27).

 

S’intéresser à l’étymologie et aux différentes manières de dire frontière ne revient pas à chercher à exhumer un discours vrai originel sur le mot ou à retrouver une adéquation parfaite à la chose que nous aurions perdue. La force des arguments à base d’étymologie est souvent discutable à nos yeux, d’autant qu’elle repose parfois sur une perception artificielle du mot concerné : quel Grec entendait dans le mot ἀλήθεια (alêtheia : vérité) un dévoilement, ce qu’on peut penser à partir du préfixe négatif et de la racine de l’oubli ou de l’inaperçu ?

Même le jeu consistant à opérer des rapprochements ingénieux entre des mots ressemblants de manière forcée (cheminée, chemin qui mène aux nuées, écrivait le Français Tabourot des Accords au xvie siècle) − cette figure que les Anciens nommaient étymologie ou dans certains cas allusion ne nous séduit plus. On voudrait seulement  s’interroger sur les différences de signification, les parentés et les associations relatives aux mots qui expriment cette idée. Sans délivrer une doctrine complète, ce parcours peut inviter à remettre en cause quelques idées reçues.

1. Frontières antiques

Quels sont les différents mots qu’utilisaient les Grecs pour désigner les frontières ? La question a déjà été posée et analysée1. L’équivalent le plus évident du mot frontière en grec ancien est ὅρος (horos) : c’est une borne destinée à mettre un terme à tout différend en matière de répartition des terres. Il n’est pas inutile de rappeler que le mot figure notamment  au chant XII de l’Iliade : les Achéens ou Grecs qui assiègent Troie ont construit un mur. Les Grecs connaissent un désastre, faute d’avoir le guerrier Achille à leurs côtés, et se trouvent à leur tour assiégés (ironie du sort !). Zeus permet à Hector de s’engouffrer dans une brèche du mur grec… Mais avant ce moment, la situation est encore indécise et le poète compare les combattants des deux camps à deux hommes qui discutent pied à pied les dimensions de leurs champs respectifs. [...]

 

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1 Michel Casevitz, « Les mots de la frontière en grec », La Frontière. Séminaire de recherche sous la direction d’Yves Roman, Lyon, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Jean Pouilloux, 1993, p. 17-24 (Travaux de la Maison de l’Orient, 21) ; et surtout, Giovanna Daverio Rocchi, Frontiera e confini nella Grecia antica, Rome, L’Erma di Bretschneider, 1988.


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