N° 269 Mai - Aout 2020 - Page n° 173
Jean-Luc MARION Le phénomène de beauté
Ce que nous éprouvons tous, chaque fois que nous visitons une exposition et même suivons la muséographie de plus grands musées d’art contemporain, se nomme la “fin de l’art”. Ce n’est pas là un jugement polémique, mais un événement que, depuis plus d’un siècle la philosophie avait prévu, et que l’esthétique récente a théorisé: n’est beau que ce qu’un concept qualifie comme tel; mais comme le concept peut tout valider, tout peut prétendre au beau, donc la différence entre le beau et son contraire disparaît. Pourtant le beau, disait Kant, se définit en ce qu’il plaît universellement sans concept. Cela indique la vraie question: ce qui plaît, plaît à celui qui l’aime. Mais que signifie aimer le beau? Qui juge dans ce face-à-face, le beau ou mon regard? La philocalie, l’amour du beau fait-elle du beau une affaire d’amour ?
1. Questions
Que la beauté relève de la phénoménalité, voilà qui a pu longtemps sembler aller de soi. Car enfin la beauté, quel qu’en puisse être le support et l’ouvrier dans l’expérience sensible, se voit, s’entend, se touche, bref se manifeste. Non seulement la beauté, en ses prises de formes, se manifeste, mais elle se manifeste par excellence, plus que ce qui apparaît dans le cours de la quotidienneté. Le beau devrait donc se dire un phénomène. Mais nous ne pouvons plus aujourd’hui tenir cette règle pour évidente, ni tenir pour indubitable que la beauté se phénoménalise comme telle, que nous puissions éprouver directement et comme tel un « phénomène du beau ». Les motifs de ce retournement de situation varient et s’additionnent, mais on peut raisonnablement les faire remonter à la thèse radicale que Hegel a énoncée sur l’essence même de l’art, et dont chaque jour semble nous apporter une confirmation plus menaçante et plus évidente. En effet, si l’on définit l’art comme «…l’intuition (Anschauung) concrète et la représentation de l’esprit absolu en soi comme Idéal », c’est-à-dire comme la prise en vue de l’idéal dans le sensible, donc aussi comme la mise en une chose (littéralement la réalisation) expérimentable dans l’intuition sensible de l’objet même de l’idée de la raison (l’idéal selon sa définition par Kant), alors se déclare nécessairement un écart, sinon une contradiction à tout le moins une tension et « déchirure » (Zerfallen) entre le sensible et l’intelligible. Certes, l’art «… représente même ce qui est le plus élevé de façon sensible », mais, pour cela même et précisément à la mesure de ses accomplissements (les trois périodes hégéliennes, art antique, chrétien et romantique), cet art même démontre qu’ «…il existe une manière plus profonde de comprendre la vérité, lorsque celle-ci ne fait plus alliance avec le sensible, et le dépasse à un tel point que celui-ci ne peut plus ni la contenir, ni l’exprimer ». Hegel convainc de la « fin de l’art », précisément parce qu’il reconnaît que l’immédiateté sensible qu’il veut assigner – qu’il parvient à assigner – à l’idéal vise, au-delà de lui-même à s’accomplir non point par la mise en scène sensible, mais, en dernière instance, par la puissance du concept. L’idéal se manifeste à la fin par l’idéel. La “fin de l’art” découle de son but – manifester l’idéal, ce qui requiert finalement le concept et, dans son effectivité, l’idée. [...]
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