M. Olivier CHALINE
Dieu le Père
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n°140
Novembre - Février
1998 - Page n° 185
Anne LOGEAY Olivier CHALINE
Retour sur les enjeux des "restructurations" ..et polémiques. Tout le texte est joint.
En usant de l’ironie et de la critique, nous avons fait le choix de nous séparer du concert de la presse catholique. Il nous paraissait nécessaire de faire écho aux inquiétudes, à l’incompréhension et à la douleur de nombreux fidèles qui, sans avoir toujours les moyens de se faire entendre, ont connu des « restructurations » menées d’une manière bureaucratique et autoritaire dont les bénéfices escomptés ne leur apparaissent pas clairement, tandis que de réels dangers (perte de visibilité de l’Église catholique, perte du sens de la mission, difficulté d’accès aux sacrements) se profilent à l’horizon. Phénomène nouveau, depuis cet été, le courrier des lecteurs du journal La Croix (par ex. le 29 juillet) retentit des interrogations et des protestations de prêtres, de religieuses, de laïcs qui se demandent où l’on va. Une réflexion sur les enjeux des « restructurations » s’impose en effet, dont notre numéro n’a fait qu’indiquer l’urgente nécessité.
Il ne s’agit pas de susciter la polémique à tout prix, de dresser des fidèles les uns contre les autres, ni de se placer dans le rôle, toujours plus gratifiant, de critiques éclairées méprisant la dure réalité du catholicisme en France aujourd’hui. Mais Vatican II a rappelé aux laïcs leur devoir d’apostolat et d’initiative. Certains choix de refonte des paroisses suscitent nos critiques mais celles-ci sont la marque de notre attachement au corps de l’Église, à sa visibilité et à son avenir.
Comme nous n’entendons pas en rester à la dénonciation de pratiques fâcheuses, nous indiquerons ici brièvement quelques pistes qui pourraient, par exemple, orienter les débats lors de la prochaine journée de Communio sur la paroisse.
1. Il est d’abord urgent de procéder à un bilan de la situation actuelle pour y voir plus clair.
Sans être absolument ignorées ailleurs, par exemple en Espagne, les « restructurations » sont un phénomène largement français et il ne serait pas inutile, alors que l’Europe occupe à bien des égards le devant de la scène, de se soucier de ce qui se passe chez tous nos voisins. En France même, les premières expériences ont une dizaine d’années et, au moment où le mouvement s’accélère, il serait salutaire d’en tirer les enseignements pour dégager les bonnes idées et s’épargner les erreurs.
Il ne serait pas inutile d’examiner quelles sont les raisons avancées dans les divers textes diocésains pour justifier les « restructurations » : nécessité fait loi ? nouveau printemps ?
2.Quels sont les enjeux ? Revitaliser la vie du plus grand nombre possible de fidèles ou bien se replier sur de rares communautés de militants ? Supprimer des messes fréquentées, n’est-ce pas perdre des fidèles ? Aller vers les gens ou attendre qu’ils bougent ? Comment font les missionnaires en Afrique ? Les pratiquants occasionnels, des laissés-pour-compte négligeables ? Comment concilier un indéniable recul dans la visibilité du catholicisme et la proposition de la foi ?
Dès 1994, la Conférence des Évêques de France, dans sa lettre « Proposer la foi dans la société actuelle », mettait en relief, à côté d’une crise d’identité catholique, de fortes attentes religieuses. Celles-ci ne conduisent pas nécessairement tous les chrétiens vers une paroisse. Certains vivent leur foi, de manière très vivante, ailleurs que dans la paroisse (communautés, mouvements, etc.). Quel rapport entre ce type de vie chrétienne et l’organisation diocésaine ?
Faut-il s’habituer à ne plus avoir de prêtres ? N’est-on pas en train d’anticiper d’une manière trop pessimiste sur la baisse des effectifs ? Quelles conséquences sur les vocations ? Comment les encourager? Faut-il réformer les séminaires ? L’avenir est-il dans l’acceptation, parfois refusée, d’un clergé diocésain moins homogène avec des communautés de prêtres, des ordres religieux, des prêtres d’origine étrangère ?
Qu’est-ce qu’apporte le prêtre ? qu’en est-il de l’Eucharistie, du sacrement de pénitence surtout qui risque d’être la victime des « restructurations » ? Ne vaut-il mieux pas avoir tous les dimanches le même prêtre qu’un célébrant différent à chaque fois ? Que peut faire un diacre ?
3. Quels sont les critères de jugement sur l’opportunité et l’efficacité des pastorales en cours ? Quels outils de mesure de la réussite ou de l’échec ? Comment rectifier les choix dangereux ? Comment s’effectue la préparation des restructurations d’un diocèse à l’autre ? Qui est consulté ? Quelles sont les étapes ? À quelle vitesse sont-elles franchies ? Quel est le rôle des comités ? Quelle est la place de la majorité des fidèles dans ces procédures ? Peut-on faire confiance à une sociologie souvent sommaire pour régler une question qui est d’abord affaire de sacrements et qui, par conséquent met en jeu le contact de chacun avec le Christ ?
La diversité est de règle en matière de « restructurations ». De fait, il n’y a pas un modèle qui vaudrait en tout lieu et c’est à chaque évêque de trouver le plus approprié à son diocèse. Mais il serait bon de procéder à un examen des avantages et des inconvénients des différentes solutions adoptées.
Prend-on en compte la différence trop souvent négligée entre les agglomérations, les zones de rurbanisation concernées par des migrations de travail quotidiennes et les campagnes proprement dites, souvent dépeuplées ?
Les différentes solutions pastorales envisagées sont à examiner :
a) Plusieurs évêques ont estimé plus judicieux de ne pas toucher au réseau paroissial.
b) D’autres, sans supprimer canoniquement des paroisses, les ont réorganisées en secteurs.
c) Plus souvent, des « restructurations » plus ou moins radicales ont été mises en oeuvre, allant parfois jusqu’à la disparition même de la notion de paroisse.
La simple comparaison entre diocèses fait aussi apparaître que ce ne sont pas nécessairement les plus dépourvus en prêtres qui procèdent aux changements les plus complets. La question est alors de savoir, au moment où s’éloigne la vogue des Adap, comment redonner toute sa place à la célébration de l’eucharistie ? Vaut-il mieux maintenir le plus grand nombre possible de messes ou bien ériger la concélébration en règle systématique ?
On le voit, les questions ne manquent pas, même si toutes ne sont pas neuves. Elles engagent aussi l’avenir du catholicisme. Souhaitons que la recherche des réponses les plus satisfaisantes unira plus qu’elle ne divisera et que le Saint Esprit nous aidera à trouver les solutions les plus judicieuses pour la plus grande gloire de Dieu.
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