Poèmes

M. Jan ZAHRADNICEK
Poésie et Incarnation - n°192 Juillet - Aout 2007 - Page n° 91

Et personne
C'était dehors et c'était à l'intérieur.
La même brise soufflait
entre l'heure matinale et l'heure du soir.
Le dénouement des liserons au soleil et aux tiges là, dehors, se
répétait en gémissant dans les vrilles des doigts qui
cherchaient le soleil là, à l'intérieur,
tandis que les campanules blanches se renversaient
d'un bonheur trop grand de la lumière.

C'était le mois de mai et ça grondait de l'approche de la Pentecôte.
Les nuages lourds de pluie craquaient aux coutures des éclairs.
Les forêts fumaient et les pivoines se dépêchaient.
de s'embraser sur le sein de l'été,
de s'embraser sur le sein des autels et il n'y avait
qui que ce soit pour courir avec elles
avant que ne roule jusqu'ici la crainte creuse des menaces
qui grondent dans le vide entre les étoiles, entre les mots.

Mais nous étions perdus
au fond du printemps dont les émeraudes viraient
au jaune laiton des clairons
au jaune bleu et rouge de l'été qui advenait de loin.
Nous étions comme un couvercle et un vase qui traînent depuis longtemps,
qui traînent depuis de longues années, éparpillés loin l'un de l'autre
par un accès hystérique de cruauté.
Et personne n'a soulevé le couvercle ni n'a soulevé le vase
pour les poser l'un sur l'autre
pour que le couvercle de nouveau couvre
le vase qui débordait sans cesse de son feu vivant.
 
Personne, par le coude de pitié n'effacera les obstacles posés de nouveau
entre l'homme et la femme,
murs, escaliers, villes, rues et gares, lointains,
papier, verre et l'indifférence de la vie qui roule
sur les champs de bataille et les cimetières.

Personne, durant des années, n'a uni la main de l'homme à celle de la femme
et ne les a laissés seuls sous les étoiles avec l'herbe et les feuilles de la nuit.
C'est seulement maintenant que les pommiers ont eu pitié dans leurs voiles défleurissantes,
s'approchant d'un pas, d'un petit pas plus près de nos mains et de nos visages.
Et comme la nuit continuait dans les étoiles,
les coqs éloignèrent l'aube
sur tes épaules et sur ton front.
Et à cause de toi la fauvette ne se résolvait pas
à annoncer le matin aux marguerites embuées.

Le silence de la nuit se prolongeait.
La distance de rosée se prolongeait entre nous et le monde lointain qui se réveillait derrière la paroi des forêts, les murs des villages et des villes.
Les chevaux de soleil grattaient dans le sable rose la pointe de l'aube.
La pluie seule est restée avec nous, qui se répandait jusqu'en un torrent mugissant et épais
pour la plus grande satisfaction des tiges et des grenouilles.
Seulement l'été, qui commençait dans les têtes des pivoines promettait tant de joie à tant de gens.

Et il n'y avait personne pour empêcher le feu de brûler.
Et il n'y avait personne pour empêcher l'eau des larmes de couler
emportant de nos yeux ces années laides et lourdes,
l'obscurité, la poussière, les toiles d'araignée et l'angoisse
des jours sans soirs, des soirs sans nuits et des nuits sans jours.
 
Ils diront que la vie...
Ils diront que la vie, et vraiment
ça serre le coeur,
quand toute la matinée à compter les noeuds du plancher de la prison
cherchant dans leurs formes une image, un chien par exemple,
qui chasse quelque chose
ou bien un petit cheval à la crinière flottante.

Au même instant, à quelques maisons de là,
mon petit garçon marche avec sa mère dans une rue voisine.
Les yeux encore au paradis
il ne comprend pas, pourquoi je suis parti en hâte
ce matin là, quand des étrangers sont venus pour moi.
Pourquoi maman a pleuré.
Il ne comprend pas, il se souvient. Lui aussi a été emmené en hâte.
C'était un soir. Le courant lui a brûlé les doigts.
Justement le samedi saint, quand je suis parti pour la Résurrection. Et
justement quand dans l'odeur des jacinthes le prêtre tourné élevait
l'hostie
et pour la première fois en cette année terrible a résonné le chant de l'Alléluia,
lui, à la maison,
brûlaient les doigts en flamme,
les prisons fonctionnaient, mon arrestation advenait.
 
Prends pitié de nous !

Jamais je n'arrêterai de me reprocher cette terrible cécité,
jamais non plus sans la gloire de la Résurrection, sans cette grande gloire de la Résurrection
je ne saurais où chercher un conseil avec ce chagrin de la prison
et pourquoi un enfant souffre...

Mais à présent ils marchent. Ils regardent derrière eux, ils espèrent que, quand même...
c 'est un espoir seulement un tout petit peu plus facile que si j 'étais mort,
un espoir si difficile,
dans cette rue apparemment insouciante, mais triste en réalité,
où les gens marchent avec les yeux bandés.
Et chaque instant quelqu'un se brûle et
quelqu'un disparaît...

Mais maintenant la grille entre nous. Et comme une larme,
une larme de folie sur les cils du roi Lear,
ainsi ma douleur abandonnée à présent
lorsque je suis assis et que je compte les noeuds du plancher de la prison
tandis qu'un peu plus loin, à peine à quelques maisons de là,
mon petit garçon et sa mère vont par les rues de juin.

Les champs soufflent déjà le vent du pain. Les roses fleurissent.
Et moi, ni cette année, ni la prochaine, ni peut-être la suivante, je
ne me retrouverai avec eux.

Traduction Klará Jelinková et Paul Guillon

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