Les saints, croix de l'histoire

Hans Urs VON BALTHASAR
L'Eglise : une histoire - n°26 Novembre - Décembre 1979 - Page n° 29

Les saints font l'histoire de l'Eglise en y vivant la Croix qui en est la loi.

La première page, 29, est jointe.

LE sujet est difficile pour deux raisons : le manque de précision de ce qu'on entend par un saint, et la variété des significations de l'expression « histoire de l'Eglise ». Et les deux difficultés sont liées l'une à l'autre.

Commençons par le deuxième problème : si l'on dit que l'Eglise se trouve là où le Christ ressuscité survit par son Esprit dans l'humanité — et cela ne comporte pas seulement les hommes qui s'efforcent de vivre selon l'esprit du Christ, mais aussi ces « institutions » objectives qui ont leur origine en Lui et qui sont des voies et des moyens par lesquels le Christ se communique à l'humanité —, alors l'histoire de l'Eglise est confrontée avec un idéal de l'Eglise : I'Eglise serait là où le Seigneur construit et maintient par l'Esprit le Corps dans lequel il répand sa pléni­tude (Éphésiens 1, 23). D'autre part, une telle Eglise ne peut jamais être tout à fait débarrassée des obscurcissements et des grimaces du péché ; même chez les hommes sanctifiés, le combat entre la lumière et les ténèbres fait rage, et toute institution d'Eglise n'est pas seulement là pour faire passer les pécheurs dans la sphère de la sainteté, mais, gouver­née par des pécheurs, donne aussi lieu à des abus qui vont souvent jusqu'à la rendre méconnaissable. L'histoire de l'Eglise ne peut que par­ler simultanément des deux aspects : des obscurcissements toujours renouvelés de cette présence du Christ dans ses « saints » et dans ses voies de salut visibles, mais tout autant de l'irruption toujours nouvelle de l'authentique, de la lumière qui surgit non seulement des Evangiles et de tout le Nouveau Testament, mais aussi de la présence permanente de cette origine dans le moment présent.

Cette dualité indissociable nous indique le passage à la deuxième difficulté : déterminer ce qu'est un saint. On s'en tirerait à beaucoup trop bon compte en s'en tenant au schéma (qui, à vrai dire, est entré en (p.29) vigueur relativement tard) de l'institution de la canonisation. Car il y a certainement de vrais, même de grands saints, qui n'ont jamais été cano­nisés (Origène en serait un exemple), tandis que beaucoup d'autres, qui sont vénérés comme tels et même reconnus par l'Eglise, ne le sont que d'une manière partielle et conditionnelle (que l'on pense, parmi beaucoup d'autres, à saint Jérôme). Les saints ne sont pas tous également saints — bien loin de là ! — et maint brave chrétien, certainement « du genre saint », a été élevé à l'honneur des autels en vertu de considérations où la politique ecclésiastique était prédominante, tandis qu'une foule d'autres, dont la sainteté propre était et est beaucoup plus authentique, sont restés dans l'ombre et peut-être sont demeurés totalement inconnus. Qui sait si, dans l'Evangile, la plus grande sainte ne fut pas cette veuve que Jésus remarqua près du tronc des offrandes, lorsqu'elle y mit non pas « de son superflu », mais, « sur sa misère, tout ce qu'elle avait pour vivre » (Luc 21, 1-4) ?


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