Le purgatoire : pour faire peur?

Déserté par la conscience chrétienne majoritaire, le purgatoire est devenu objet d'histoire. Jacques Le Goff situe sa naissance au XIIe siècle. Pourtant, au-delà de ses représentations trop humaines et bien datées, qui expliquent le malaise actuel, le purgatoire est une donnée secondaire mais inamissible de la tradition chrétienne depuis ses origines, fondée sur la prière pour les défunts et la croyance en une purification définitive après la mort.

Le purgatoire a occupé une place considérable dans la conscience catholique des derniers siècles et jusqu'au milieu du nôtre. Aujourd'hui, il semble comme remisé au plus obscur de notre foi, — ou de nos doutes, — en un lieu d'incertitude où l'auto-culpabilisation rivalise avec le refus d'interroger et de trop savoir. Le purgatoire n'a-t-il pas été une sorte de mystification religieuse, une invention de l'Église ou des clercs, capable de leur assurer domination sur des esprits spontanément crédules devant le mystère de la mort ? N'entre-t-il pas dans cette vaste « pastorale de la peur » que l'Église aurait cultivée trop complaisamment, trahissant ainsi le message d'amour et de miséricorde reçu de son Maître ?

L'effondrement contemporain de la spiritualité et de la théologie du purgatoire semblerait donner raison à ce soupçon. Sans avoir pris la peine de sonder la pertinence de ce diagnostic, la conscience chrétienne majoritaire, au moins en apparence, cache son embarras par un silence quasi-total. Silence des homélies, silence de l'éducation religieuse, silence de la dévotion, silence des intentions de messes. Le purgatoire aurait-il fait son temps, celui d'une croyance étrangère au contenu authentique de l'Évangile ? En 1981, Jacques Le Goff publia un livre au titre provocateur : La Naissance du Purgatoire (NRF/ Gallimard). Ce livre était d'un historien, non d'un théologien. [...]