La Transfiguration entre Baptême et Résurrection, manifestation du Seigneur et foi du lecteur dans l’évangile de Matthieu

L'évangéliste Matthieu traite le récit de la Transfiguration de manière à mettre en lumière le mystère de Jésus dans une perspective apocalyptique qui dépasse l'évènement lui-même, pour le mettre en lien avec le baptême et la résurrection :au-delà de la vision, c'est l'écoute qui fait du lecteur un témoin privilégié de la divinité du Christ.

SI le récit de la transfiguration apparaît comme un sommet de l’Évangile de Matthieu, il se présente aussi comme le lieu de croisements complexes qui sont de deux ordres. Le premier relève des différents « matériaux » que le récit tisse de façon serrée : textes vétérotestamentaires, représentations messianiques et eschatologiques plurielles du premier siècle de notre ère. Il touche à la façon dont la péricope s’inscrit dans le contexte du judaïsme et du christianisme anciens et de leurs herméneutiques du texte biblique. Le second se joue à l’intérieur de la narration elle-même, dans les liens que Matthieu tisse entre différents épisodes de son évangile et qui constituent un réseau de renvois et d’échos. Il touche à la façon singulière dont l’évangéliste configure ses sources et organise le déploiement de la révélation du mystère de Jésus-Christ.

C’est dans cette seconde perspective que nous voudrions étudier ici la façon spécifique dont Matthieu met en lien les récits du baptême de Jésus (Matthieu 3, 13-17), de la transfiguration (Matthieu 17, 1-9) et le chapitre de la résurrection (Matthieu 28) : ce n’est que dans cet évangile que ces textes présentent autant de récurrences sémantiques communes. Leur étude nous permettra non seulement de préciser le genre littéraire dont relèvent ces péricopes, mais surtout de percevoir ce qui se joue dans la mise en réseau à laquelle invitent ces liens. Nous regarderons en particulier comment ils préparent le lecteur à adhérer à la foi pascale en lui permettant d’entrer progressivement dans la compréhension du mystère de Jésus, et en même temps de son propre statut de croyant, statut caractérisé par le fait que le lecteur, à la différence des apôtres, n’a pas vu Jésus. [...]