La reconnaissance du Don

L'eucharistie manifeste le don de Dieu. Quel lien intrinsèque lie en elle la présence sacramentelle et la manifestation de ce don ?  En ceci que l'abandon de Christ au Père, jusqu'à la mort librement consentie, nous permet de reconnaître en cet homme le don de Dieu, précisément parce qu'en s'annulant lui-même, le Christ rend manifeste qu'il vient du Père et non de lui-même, fait la volonté du Père et non la sienne, donne le don du Père et non lui-même. La disparition du Christ dans les espèces du pain et du vin radicalise ce que sa disparition en Croix accomplissait : la manifestation de l'origine du don, du mouvement même de la donation, bref du Père invisible.

« Un Dieu lui-même neuf ensemble qu’éternel Regardait l’univers comme un immense don » Péguy, Ève (OEuvre Poétique Complète, «Pléiade », Paris, 1967, p. 943).

L’aporie du don

Le sens commun distingue la foi de la connaissance par l’opposition des choses que nous ne voyons pas aux choses que nous voyons. Pourtant, comme saint Augustin l’a magnifiquement montré, la foi des choses que l’on ne voit pas n’en permet pas moins une connaissance au sens le plus strict, puisqu’il se trouve des choses que nous connaissons parfaitement, bien qu’elles ne puissent que nous rester invisibles ; nous ne pouvons donc jamais les connaître qu’en tant qu’elles restent pourtant invisibles. Ainsi en va-t-il de l’amitié de l’ami, de sa bienveillance, de sa volonté et même, surtout de son amour : « ... amorem in [... ] cordibus, [... ] est invisibilis »¹.  L’amour ne se voit pas, mais pourtant nous parvenons à le connaître sans le moindre doute – sinon, comment saurions-nous aussi et si bien qu’il a disparu et même quand il a disparu ?

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1. De fide rerum quae non videntur, II, 4, B.A. 8, p. 316.