La transfiguration ou la conclusion de l’histoire remise à la liberté

La transfiguration est relue dans l'unité de la théologie du salut : ce que le Christ possédait de plein droit, lumière née de la lumière, ici manifestée, il n'a voulu en jouir qu'au terme de l'itinéraire pascal qui de la kénose mène à la glorification.

Une pensée théologique an-historique, comme l’est encore trop souvent la nôtre, ne peut que se sentir mal à l’aise avec les miracles, et singulièrement avec celui de la Transfiguration : en premier lieu, parce que la reconnaissance des miracles suppose celle du droit de Dieu à intervenir dans notre monde ; ensuite, parce que la prise au sérieux de la Transfiguration oblige à admettre que le Verbe incarné, qui a fait sienne notre condition terrestre jusqu’à grandir « en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes » (Luc 2, 52), a continué à évoluer dans sa vie adulte, bénéficiant d’interventions décisives de Dieu en sa faveur. Si une certaine mentalité scientiste et techniciste s’insurge contre le premier point, bien décidée qu’elle est à bouter Dieu hors du monde, le refus instinctif de l’entrée de Dieu dans l’histoire aboutit aux mêmes conséquences : l’absence de contact véritable entre Lui et notre condition humaine immergée dans le devenir.

Avant que la méditation des mystères de Jésus, encore très vivante au Moyen Âge, ne soit altérée par le piétisme de la devotio moderna, la tradition spirituelle de l’Occident avait pourtant donné naissance à une admirable prière contemplative qui aurait pu apporter un remède à ce déficit de sens historique : le Rosaire, dont les 150 Ave Maria étaient censés, à l’origine, remplacer pour les « simples » les 150 psaumes de l’office monastique, avait évolué au fil du temps en contemplation des grandes étapes, joyeuses, douloureuses et glorieuses, de la vie terrestre et glorifiée du Seigneur. [...]