Le Christ, sauveur universel : scandale pour les religions orientales

La foi en «l'événement Jésus-Christ» est une pierre d'achoppement face à des religions qui ne peuvent en accepter le caractère unique et décisif.Une production théologique occidentale s'efforce de concilier deux positions en réalité irréductibles : l'universel historique de la foi chrétienne n'est pas du même ordre que le principe d'égalité des religions ; paradoxalement, il est plus englobant.

Dans le cadre de ce cahier sur «le christianisme et les religions orientales », il importe tout d'abord de définir les termes du présent article. Il ne se réfère pas — du moins en priorité — au christianisme, à savoir à l'Église institutionnelle, quelle que soit la manière dont on conçoit théologiquement son rapport à l'événement Jésus-Christ. Que l'on envisage l'Eglise comme médiation de l'événement sauveur, comme sacrement du Règne de Dieu, ou comme mission annonciatrice de la Bonne Nouvelle, une chose est certaine : l'Église a sa raison d'être en dehors d'elle-même ; elle est entièrement rapportée à l'événement Jésus-Christ dont la tradition chrétienne affirme le  caractère unique et central dans l'ordre du salut pour tous les hommes et l'humanité entière. C'est de cet événement sauveur, décisif et en ce sens final, qu'il s'agit ici directement. La question qui nous est posée est donc : comment faire percevoir l'événement Jésus-Christ et sa portée universelle dans l'histoire du salut aux multitudes d'hommes et de femmes qui se réclament des traditions religieuses orientales ? Par religions orientales, on entend celles, originaires de l'Asie, et d'abord de l'Inde, l'hindouisme et le bouddhisme en particulier, que l'on a souvent caractérisées de « mystiques », par rapport aux trois religions « monothéistes », dites aussi «prophétiques ». Les proportions énormes du défi ainsi posé éclatent aux yeux si l'on songe seulement à la situation religieuse du continent asiatique. En dépit du nombre majoritaire des chrétiens aux Philippines et des progrès notoires enregistrés par l'Église en Corée du Sud, aujourd'hui même le christianisme représente à peine 2 % de la population totale du continent le plus populeux du globe ; au Japon, par exemple, la fraction chrétienne de la population reste infinitésimale.
Le défi, même s'il a pris avec l'éclatement de la population mondiale — et en particulier asiatique — des proportions inédites, n'est cependant pas nouveau. [...]