L’Apocalypse , l’Église, l’État

Différentes approches de l’Apocalypse situent l’interprétation de ce texte entre histoire et allégorie. Comment comprendre le symbole des deux bêtes, et l’image de Babylone ?  Traçant une interprétation théologique de l’histoire, ce livre prophétique rappelle la souveraineté absolue de Dieu face à toutes les prétentions étatiques des empires de l’histoire.

Avant de considérer le texte de l’Apocalypse – il s’agira plutôt d’un survol rapide – commençons par dessiner le double arrière-plan où situer l’objet propre de notre recherche, un objet que nous mettrons à l’épreuve de ce livre si énigmatique et déconcertant par tant d’aspects, si clair et si rigoureux par tant d’autres. D’une part, il faudra évoquer ce que l’Écriture nous dit des rapports délicats de la politique et de la foi, première toile de fond sur laquelle ressort toute l’originalité de l’Apocalypse ; de l’autre, déterminer la place de ce livre dans l’herméneutique séculaire à laquelle il a été soumis, avec des résultats souvent contradictoires.

Ekklesía et pólis : entre respect et défiance

Même un rapide coup d’oeil jeté sur la Bible montre que la question du rapport entre assemblée divine (qehal-Jhwh) et « maison de David » (bêt-Dawîd) subit des flottements historiques – gardons-nous en effet d’oublier le caractère historique et non pas simplement « théorico-mystique » de la Révélation judéo-chrétienne –, et que ce rapport oscille entre respect et défiance, légitimité et condamnation, sacralité et idolâtrie. Autrement dit, on peut passer de l’exaltation de l’institution, comme c’est le cas pour la monarchie dans l’idéologie davidique (voir par exemple 2 Samuel, 7 et le Psaume 72), ou, auparavant, dans la consécration-élection de Saül (1 Samuel, 10), à une position diamétralement opposée, qui dénonce en elle une réalité purement humaine traversée d’injustice :  songeons par exemple à l’apologue de Jonathan en 1 Juges 9, ou à 1 Samuel, 8 et 15, et à la contestation presque systématique que les prophètes font du pouvoir, de Samuel à Élie et aux autres textes prophétiques. [...]

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