Mme Françoise BRAGUE
La réconciliation
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n°49
Septembre - Octobre
1983 - Page n° 35
1ère page, 35, jointe
AU fond, je n'ai jamais aimé me confesser, et je m'y suis toujours traînée de force, m'obligeant à « faire mon devoir de chrétienne », ou me fixant des délais impératifs sous peine de privations diverses qui me coûtent beaucoup, comme la communion du dimanche. Étant donnée par ailleurs l'immense joie dont je suis si souvent inondée au sortir du confessionnal, et que je devrais toujours garder présente à l'esprit, j'aimerais tout d'abord me demander ici quelles sont les raisons de cette réticence.
La première est que, si je me remémore les fautes que j'ai pu commettre, je suis prise de honte, je me découvre vraiment « pas si bien que ça », et, comme un enfant qui a fait une bêtise, ou comme Adam surpris par Dieu au jardin après la faute, j'aimerais bien me cacher ou m'enfermer dans ma chambre. Je redoute le jugement que le prêtre va porter sur moi, surtout s'il me connaît. «Comment », va-t-il sûrement se dire, «Madame X..., une si bonne chrétienne ! » Mon image de marque risque de s'en trouver terriblement dépréciée. Il m'arrive aussi de me dire que ce que j'ai fait est vraiment trop affreux, que je suis, comme toujours, retombée dans les mêmes ornières, que de toute façon je n'y arriverai jamais parce que le péché est plus grand que moi, et que, puisque rien n'y fait, il faut que j'accepte cet état de choses, puisque «je suis comme je suis, je suis faite comme cela », et que « ce n'est pas de ma faute à moi... » (Prévert). Ou bien je suis prise au contraire d'une sorte d'optimisme béat, me disant que Dieu m'aime comme je suis — ce qui du reste est profondément vrai —, qu'au fond tout cela n'est pas si grave, que d'autres font bien pire, et j'essaie de me persuader que si, à partir de maintenant, je ne pèche plus et j'essaie d'aimer Dieu et mon prochain de tout mon coeur, mon péché, avec le temps, va s'effacer effectivement, comme il s'effacera, peut-être, de ma mémoire. Dieu finira par oublier, et moi aussi... Ce que je sais fort bien, au fond de moi-même, être une double illusion et une échappatoire facile.
Un autre type d'argument plus subtil se présente aussi à mon esprit. Si j'ai eu le courage de demander pardon à mon prochain pour les fautes que j'ai commises contre lui, ne suis-je pas déjà quitte envers lui ? Restent celles commises contre Dieu lui-même, ou contre moi-même. Elles ne regardent après tout que Dieu et moi. C'est une affaire entre nous. Pourquoi, dans ces conditions, aller redire à un pauvre prêtre, qui, d'une part, n'y est pour rien, et, d'autre part, risque de ne pas comprendre grand-chose aux multiples raisons de mes actes et aux mille et une convulsions de ma petite âme malheureuse, ce que Dieu et moi savons déjà, et ce qu'Il m'a, dans son amour infini, déjà pardonné par avance ? Tout au plus aurais-je besoin, pour faire bien les choses ou témoigner de ma bonne volonté, d'aller trouver (p.35)
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