Tabernaculum Dei
Écrit le 27 mai 1937, deux jours avant la fête du Corps du Christ. Tabernaculum Dei cum hominibus : « la demeure de Dieu parmi les hommes ».
Tu dis : tout est accompli et tu inclinas la tête en silence
Il était accompli, ton chemin d’homme sur la terre
Depuis le commencement
ton trône de gloire était préparé pour toi
à la droite du Père, et tu y es monté.
Mais tu ne t’es pas séparé de la terre
Tu lui étais uni de tout temps.
Depuis que des hauteurs des cieux tu es descendu
jusqu’à l’extrême anéantissement
Tu aimes vraiment les tiens, ô bon Pasteur,
comme jamais n’a aimé nul autre coeur humain,
et tu n’as pas voulu laisser tes enfants orphelins,
Tu t’es bâti une tente au milieu d’eux.
Tu trouves ton plaisir à y demeurer
Et tu seras là jusqu’à la fin des temps
Ton sang versé avec largesse pour les tiens
doit leur servir de breuvage de vie.
Tu le proposes chaque matin qui vient
Chaque matin le son des cloches appelle
à travers toutes les rues, pour inviter au repas des noces.
Les hommes, taciturnes et pressés, se hâtent dans les ruelles
Le son atteint leurs oreilles mais non leur coeur
Seul un petit reste de brebis fidèles entend la voix du Pasteur
Avec une joie paisible elles suivent l’appel
qui les invite à la tente sainte, à la table que tu disposes.
Leurs yeux ne se rassasient jamais du spectacle sublime
qui s’y renouvelle jour après jour, sens et terme de tout le cours du monde.
Tandis qu’au dehors grondent les orages et les affreux combats
que le sceau de l’abîme est brisé, libérant les monstres des profondeurs
qui combattent avec puissance pour le règne du grand dragon,
ici en revanche c’est la paix, le trône de l’Agneau sur la terre,
la sainte cour qui mène au Ciel
et nul esprit créé ne saurait concevoir
les merveilles que ta présence pleine de grâce
prépare pour l’éternité
dans les coeurs devenus tes temples par leur consécration.
C’est ici que tu accomplis, cachée aux yeux du monde,
l’oeuvre qui renouvelle la face de la terre.
Soustrait au regard des hommes dans la tente paisible
tu tiens le monde dans ta main
et de ses tumultes tu as fixé la mesure et le terme.
Mais vient un jour où s’ouvrent les portes :
le roi sort pour bénir son pays
Des troupes d’enfants sèment les fleurs sur son passage
Et chantent en liesse des cantiques de jubilation.
Et lorsque ensuite résonne au loin le son des cloches
la foule s’agenouille en silence
pour recevoir la bénédiction de son Dieu,
tes anges ne passent-ils pas invisiblement parmi les gens
surpris au bord des routes,
pour tracer de ci de là sur le front de l’un ou l’autre
le signe qui le retire de la perdition ?
Ils ne le pressentent pas encore mais leur bandeau tombera
lorsque s’engagera le dernier combat
et que tes témoins fidèles combattront pour toi jusqu’à la mort.
Quand, Seigneur, quand ce jour viendra-t-il ?
Mon Seigneur et mon Dieu, caché sous l’espèce du pain,
quand te manifesteras-tu dans une gloire visible ?
Le monde gît dans les douleurs de l’enfantement
L’Épouse persévère dans l’attente.
Viens vite !
Matin de Pâques
Dédié à la révérende Mère M. Ambrosia Hessler, o.p., à l’occasion de la fête de Pâques 1924.
Obscure est la nuit du tombeau,
et pourtant l’éclat des plaies sacrées
traverse l’épaisseur de la pierre,
la soulève et la met de côté comme une plume ;
de l’obscurité du tombeau se lève
le corps ressuscité du Fils de l’Homme,
éblouissant de lumière, rayonnant de clarté.
Sans bruit, il sort de la grotte
dans l’aube naissante, paisible, d’une paix matinale,
une brume légère couvre la terre ;
elle est maintenant traversée par la lumière, scintillante de blancheur –
et le Sauveur s’avance dans le silence
de la terre qui s’éveille à peine.
(Traduction de Cécile Rastoin)