Les doux et la terre

Est doux celui qui prend soin des choses fragiles : la vertu de douceur renvoie donc à la fragilité de la nature. Mais si l'homme l'exerce, il verra le monde à son tour lui apparaître comme doux. Il nous faut accepter notre chair comme le milieu de notre expérience, et la terre comme un domaine reçu en héritage, et non comme une demeure permanente.

Il peut sembler quelque peu arbitraire d'interpréter la Béatitude sur les doux, auxquels il est promis de «posséder la terre» (Matthieu 5, 4) comme témoignant d'une conscience écologique avant la lettre. La douceur dont il est question ici est-elle celle que réclament les partisans du soft? la terre dont il est fait mention est-elle notre planète finie et usable ?

À un premier niveau, il faut répondre par un non décidé. Ce serait céder à un concordisme sommaire que de supposer que les écrivains inspirés avaient conscience de problèmes (épuisement des ressources, pollution, etc.), qui ne se posent qu'aujourd'hui. Pire, ce serait ajouter à des problèmes déjà suffisamment complexes (techniques, économiques, juridiques, politiques, etc.), une superstructure théologique qui les surdéterminerait. Et pourtant, il se pourrait qu'il y ait de fait, dans la Béatitude, sinon de quoi nous faire définir une position chrétienne (s'il en est une) sur les problèmes écologiques, du moins de quoi nous aider à élucider le point de vue à partir duquel ceux-ci s'éclairent dans une optique chrétienne.

Le mot « doux »

La Béatitude parle des «doux» (praeis). La formule grecque par laquelle elle le fait a un parallèle très manifeste avec le verset 11 du Psaume XXXVII (XXXVI dans la Septante). L'hébreu que le grec traduit ici est anaw, « humble ». Franz Delitzsch, dans sa tentative de traduction [...]

Pour lire la suite de cet article, vous pouvez télécharger gratuitement ce numéro, acheter la version papier ou vous abonner pour recevoir tous les numéros!