L’unique épouse

Les demandes de pardon formulées par Jean-Paul II au nom de l'église catholique exigent de reprendre et d'approfondir, à partir d'un nouveau point de vue, l'ecclésiologie dont la théologie du XXe siècle avait fait son sujet principal. Comment les actes commis par d'autres il y a bien longtemps nous lient-ils, nous et maintenant ?On ne pourra répondre à cette question qu'en en posant une autre : Qui est l'Église ?

Les demandes de pardon en vue d’une « purification de la mémoire » par lesquelles le Pape Jean-Paul II a ponctué la fin du deuxième millénaire, et particulièrement celles de la cérémonie du 12 mars 2000, au cours de laquelle il a demandé pardon à Dieu pour les erreurs du passé, n’ont pas soulevé que l’émoi des historiens. Beaucoup de chrétiens, et même de nombreux non-chrétiens curieux, se sont posé une question dont ils ne mesurent peut-être pas toute l’étendue philosophico-théologique : « Pourquoi demanderais-je pardon, moi et maintenant, pour des actes commis par d’autres il y a bien longtemps ? » Pire encore, « comment peut-on demander pardon pour d’autres en mon nom, sans me demander mon avis ? » La question est pour une part philosophique : ce qui est en jeu, c’est la définition d’une responsabilité, la possibilité d’imputer une faute à quelqu’un ; mais elle est aussi théologique : car la réponse à cette question passe par la réponse à une autre question, qui est l’Église ?

Depuis le concile Vatican I, cette question Qui est l’Église ? est certainement l’une des plus fécondes. Pas seulement au niveau dogmatique, avec l’encyclique Mystici Corporis (1943), la grande constitution dogmatique Lumen Gentium de Vatican II, ou les débats oecuméniques, mais aussi au niveau spirituel. Mersch ou Lubac en théologie, Bernanos ou Mauriac en littérature, l’inclassable petite Thérèse, entre autres, ont rappelé aux chrétiens « les aspects sociaux du dogme ». [...]

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