Vincenzo RIZZO
Le canon des Ecritures
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n°221
Mai - Juin
2012 - Page n° 100
À la problématique moderne de « Dieu contre l’homme », la philosophie religieuse russe des XIXe et XXe s. répond par le mystère ineffable du Dieu fait homme : Dieu est partie prenante de l’histoire humaine. Celle-ci n’est pas fermée sur elle-même, elle est insérée dans une pré-histoire (la chute) et une post-histoire (la parousie) qui lui donnent sa profondeur et son enjeu. Les « catastrophes », loin de souligner l’absurdité du monde, sont « des brèches vers la parousie au sein de la réalité historique », c’est pourquoi le chrétien est appelé à vivre une « existence eschatologique », tendue vers le retour du Christ.
Écrivant, un mois avant sa mort, Pour en finir avec le jugement de Dieu1, Antonin Artaud, en un style tendu à l’extrême, cherchant à passer toute limite, exprime le désir forcené, cruel, d’extirper dans le sang, et jusqu’au sang, Dieu de la conscience humaine. Il s’agit pour lui d’expulser la nuisance divine du sujet humain dont il entend valoriser le frémissement inspiré. L’homme « mal construit », libéré de la croyance, pourra finalement danser à l’envers, faisant l’expérience d’un bouleversement total dans sa propre personne, et dans la structure même de la réalité. La pensée d’Artaud s’inscrit sans aucun doute à l’intérieur du processus ouvert par la modernité avec la « tribunalisation de la raison2», face au réseau entravant de catégories comme la faute, le jugement, la dette. Mais elle ne semble pas, paradoxalement, évaluer à fond les deux termes essentiels mis en jeu : l’homme, et Dieu.
Le paradoxe d’Artaud, entre blasphème et mystique, semble passer, à la lettre, à côté du cœur du problème, le rapport théandrique. Le mystère de l’homme et de Dieu, on le trouve dicible jusqu’à la limite cette fois effectivement extrême dans les textes philosophiques et théologiques russes. [...]
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1. A. ARTAUD, Pour en finir avec le jugement de Dieu, suivi de « Le Théâtre de la Cruauté », éd. E. Grossman, Paris, Gallimard, coll. Poésie, 2003.
2. O. MARQUARD, Des difficultés avec la philosophie de l’histoire, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, Paris, 2002. La Théodicée de Leibnitz constitue pour l’auteur le tribunal philosophique originel. Le procès intenté à Dieu se fonde sur tous les instruments d’un procès légal proprement dit (chef d’accusation, devoir de justification, etc.).
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