M. Gregory SOLARI
L'examen de conscience
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n°241
Septembre - Octobre
2015 - Page n° 109
Si la liturgie ne va toujours pas de soi aujourd’hui, la raison de ce décalage vient non pas d’abord de carences, effectives ou supposées, de la réforme du rituel, mais de la persistance, à l’intérieur de la théologie, d’une épistémologie inadéquate qui s’est constituée en dépendance de la métaphysique classique. Pour accéder au sens de l’énoncé dogmatique, il faut être rendu participant de l’expérience originaire d’où il procède, à savoir se laisser toucher par le Christ, sans mettre de limites ou de conditions a priori à sa manifestation. La liturgie nous rend contemporains de cette expérience originaire dont témoignent les apôtres par l’Écriture.
Nous célébrons deux événements en 2015 : le quatre-vingtième anniversaire de la conférence donnée par Husserl à Vienne en 1935 sur « La crise de l’humanité européenne et la philosophie » et le jubilé de la clôture du concile Vatican II (8 décembre 1965). Profitons de cette coïncidence pour tourner notre regard vers les années écoulées et posons-nous la question : pourquoi la liturgie a-t-elle connu une telle « Krisis » durant la période postconciliaire ? Comment expliquer que l’enseignement d’un concile, puis le magistère d’un pape (Benoît XVI) accordent tant de place à la liturgie, et que celle-ci demeure encore un sujet conflictuel ? Deux explications sont souvent avancées : la première invoque un décalage entre l’enseignement de la constitution sur la liturgie (Sacrosanctum concilium) et son application dans le Missale romanum de Paul VI ; la seconde invoque aussi un décalage, mais entre la pratique célébratoire léguée par le missel tridentin et celle du missel réformé. Louis Bouyer fait remarquer à ce sujet qu’ « aucune réforme, si heureuse soitelle, ne peut arriver à se mettre pleinement au point sans s’être rodée par l’usage. […] L’apport considérable de la réforme tout juste mise en oeuvre ne signifie donc ni que tout y soit parfait ni même qu’une fois opérées les premières retouches qui s’imposeront, tout doive rester tel quel in æternum1 ». Et dans Le métier de théologien, il préconise la mesure suivante pour réduire le décalage : « Si on avait introduit le missel de Paul VI tout en permettant pendant une période intérimaire, qui aurait pu se prolonger tout le temps nécessaire, de garder là où on le voulait le missel de Pie V, les choses se seraient faites très paisiblement, sans violence, et la transition se serait aisément opérée. […] Ainsi une osmose aurait pu se produire entre les éléments écartés un peu trop rapidement par la réforme et les éléments non pas neufs, mais à structure renouvelée2 ».
Depuis lors, ces propos ont été relayés par la lettre de Benoît XVI accompagnant le Motu proprio Summorum Pontificum (2005), et, tout récemment, en juillet 2015, par un article du cardinal Robert Sarah3, [...]
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1 Louis Bouyer, « Le nouvel Ordo Missæ, réforme achevée ou commencée ? », in Les Trente glorieuses, Pages d’histoire de l’Église parues dans France catholique (1957-1987), article du 27 mars 1970, Genève, Ad Solem, 2015, p. 200.
2 Le métier de théologien, Genève, Ad Solem, 2005, p. 87.
3 Robert Sarah, « L’action silencieuse du coeur », in Osservatore Romano (édition italienne), 12 juin 2015.
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