La nature, fondement problématique de l’action

Le concept de nature est complexe. En partie factuel et historique, en partie normatif, par l'indisponibilité naturelle à laquelle il renvoie, il est ouvert au progrès technique, mais rappelle à l'action qui se fonde sur lui que tout progrès technique n'est pas synonyme de progrès moral.

L’artificialité est parfois synonyme de progrès technique. Il est de plus en plus facile techniquement de fabriquer, de reproduire ; de plus en plus, on se transporte dans le virtuel. Il n’y a guère de domaines qui se soustraient à ces évolutions, de l’usage quotidien des matériaux synthétiques au développement de certaines formes de vie par la technologie génétique, des anticipations sur les « intelligences artificielles » à la simulation virtuelle. Il semble que nous ayons atteint la fin de la naturalité. L’ère de la biotechnique semble arrivée. L’abondance des techniques d’action et de configuration (grâce à la combinaison de la génétique et de l’informatique) augmente et s’approche désormais d’un noyau indisponible. Le caractère non quelconque de la nature devient de moins en moins clair. D’un autre côté, la nature fait valoir pleinement son droit et reste une référence. L’appel souvent répété d’un retour à la nature n’est pas seulement un phénomène publicitaire (qu’il s’agisse d’alimentation ou de tourisme, d’architecture ou de politique) : les champions de l’intégralité et de la naturalité – qu’ils se réclament ou non de Rousseau – utilisent le concept de nature dans des contextes différents et l’emploient, plus ou moins consciemment, dans un sens éthique. [...]