Citoyens de deux cités

Comment le chrétien devenu par son baptême citoyen de la cité divine peut-il participer à la vie de la cité terrestre ? La réponse de l'histoire, des premiers temps bibliques à l'époque contemporaine, est explicite : il est indispensable d'établir une distinction radicale entre les deux cités, fondée sur des repères moraux d'inspiration religieuse, si contestés qu'il puissent être.

Dans « La cité de Dieu » saint Augustin a exposé magnifiquement, voire en la durcissant, la distinction entre la cité terrestre et la cité de Dieu : cité de Dieu « qui accomplit son pèlerinage parmi les impies », « cité terrestre avide de dominer les peuples déjà asservis, mais dominée elle-même par cette passion d’hégémonie ». À cette époque l’Empire paraissait acquis au christianisme, surtout depuis la victoire sur l’arianisme avec Théodose. L’État comme tel ne reconnaissait-il pas la souveraineté du Christ ? Il restait à chaque citoyen à suivre Sa loi en s’arrachant aux séductions du monde, ainsi que saint Paul l’avait écrit dans la Lettre aux Philippiens (3, 20) : « notre citoyenneté (politeuma) est dans les cieux » ; mais le même Paul demandait que « chacun se soumette aux autorités en charge car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu » (Romains 13, I-7), et il reconnaissait à cette autorité la charge de « porter le glaive » et « d’exiger des impôts » (v. 4, 6ss). De même Pierre : « Soyez soumis, à cause du Seigneur à toute institution humaine ; soit au roi comme souverain, soit aux gouverneurs envoyés par lui pour punir ceux qui font le mal et féliciter ceux qui font le bien » (1 Pierre 3, 13s). [...]