Prof.Dr. Holger ZABOROWSKI
La paix
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n°257
Mai - Aout
2018 - Page n° 41
Les guerres modernes infligent une tâche nouvelle à la pensée de la paix. Par leur différence avec les guerres anciennes, elles abolissent les distinctions structurelles qui permettaient de penser la paix, à commencer par la différence entre la paix et la guerre, à cause d’un état de guerre toujours latent voire invisible. La guerre en devenant de plus en plus abstraite, développant toujours plus les technologies meurtrières, est en même temps devenue de plus en plus durable, remplaçant la paix perpétuelle voulue par Kant par un état permanent de guerre.
1. Les guerres anciennes et modernes et le devoir de la « paix perpétuelle »
L’histoire des hommes est aussi, malheureusement, une histoire de la guerre. Dans le livre de la Genèse, l’archétype de toute confrontation guerrière se trouve déjà à la seconde génération humaine. Caïn, le berger et Abel, le paysan, fils d’Adam et Ève ne peuvent vivre en paix l’un avec l’autre. Par jalousie, Caïn tue Abel – agression absurde, qui ne fait que se prolonger et s’accentuer depuis cette « guerre originelle ». La pensée grecque complète et confirme le témoignage biblique. Dans une parole célèbre, Héraclite a parlé de la guerre comme polemos, comme le « père de toutes choses », trouvant ainsi dans la querelle et la contradiction un principe fondamental de la réalité. Jusqu’à maintenant, les guerres ont tellement conditionné la vie commune des hommes que l’on pourrait être tenté de parler du conflit guerrier, dans le cadre d’une histoire aussi bien culturelle que naturelle de l’agression humaine, comme d’une constante anthropologique fondamentale de l’être de l’homme.
Face à ce pessimisme – du réalisme en réalité – s’exprime aussi l’espoir que cela pourrait être autrement, que l’humanité pourrait laisser un jour derrière elle l’état de guerre et créer un état de « paix perpétuelle ». Cet espoir d’un temps de paix sur la terre a été l’objet tout particulier de la pensée des Lumières. L’histoire apparaissait comme porteuse non seulement d’un progrès vers la liberté humaine, mais aussi comme un chemin vers une paix générale. C’est pourquoi Emmanuel Kant termine son oeuvre « Sur la paix perpétuelle » par la vision suivante :
Si c’est notre devoir, et s’il existe en même temps une espérance fondée de rendre effectif un état de droit public, bien qu’en s’en rapprochant seulement par un progrès poursuivi à l’infini, la paix perpétuelle qui succédera à ce qu’on a appelé jusqu’ici des traités de paix (à proprement parler des armistices), n’est pas une idée creuse, mais une tâche, qui, résolue graduellement, se rapproche constamment (car les époques où se produisent des progrès égaux se feront, peut-on espérer, de plus en plus courtes) du but final qui est le sien1.
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1 Emmanuel Kant, Zum ewigen Frieden, in Werke in 10 Bänden. Wilhelm Weischel, Darmstadt 1983, Volume 9, 1 p.191 à 251, (trad. fr. de Joël Lefebvre : Pour la paix perpétuelle, projet philosophique, Presses universitaires de Lyon, 1985, p. 91).
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