Gilbert Keith Chesterton, la conversion d'un loufoque anglais

M Florian MICHEL
La paix - n°257 Mai - Aout 2018 - Page n° 144

Gilbert Keith Chesterton (1874-1936), l’un des très grands noms du renouveau catholique qui marqua les lettres anglaises contemporaines, fut reçu dans l’Église catholique romaine en juillet 1922 par le prêtre qui servit de modèle au Father Brown. Personnalité baroque au tempérament paradoxal, il avança, pour rendre compte de sa conversion, la vérité objective du catholicisme et la quête de la libération des péchés. Le catholicisme de Chesterton est celui de la beauté, de la vraie liberté, de l’affirmation de la vie et de la gratitude spirituelle.

 

L’art d’être « loufoque » offre-t-il aussi parfois la grâce d’une ouverture vers la profondeur spirituelle ? Dans les pages de son autobiographie, parue en 1936, Gilbert Keith Chesterton (1874-1936) évoquait sa jeunesse « pleine de doute, de morbidité, de tentations », marquée par « le scepticisme et le solipsisme », et soulignait que sa « période de folie », faite de laisser-aller, d’oisiveté, de spiritisme et de « connaissance du diable », avait laissé dans son esprit, pour la vie entière, « la certitude de la réalité objective du péché1 ». Méconnu aujourd’hui en France, malgré une large diffusion dans l’entre-deux-guerres et malgré quelques récentes rééditions, associé le plus souvent à cette figure du prêtre faussement débonnaire et « secrètement subtile2 » qu’est son principal personnage romanesque de Father Brown, lessivé par l’image d’un catholicisme anglais à la David Lodge, Chesterton fut cependant l’un des très grands noms, avec John Henry Newman, Gerard Manley Hopkins, Hilaire Belloc, Graham Greene, Evelyn Waugh ou même J. R. Tolkien, du renouveau catholique qui marqua les lettres anglaises contemporaines.

Son personnage, énorme, rieur et buveur, déconcerte parfois. C’est un « torrent de lave bouillonnante » de l’avis d’un témoin en 19253. Tout à la fois profuse, polymorphe, composée et diffusée en dépit du bon sens, ce que l’auteur et ses éditeurs4 reconnaissent bien volontiers, irritante même sous certains jours, son oeuvre est composée de vers inégaux, d’articles circonstanciels, d’essais politiques datés, de pamphlets peu lisibles aujourd’hui, de romans géniaux, de nouvelles remarquables, de contes énigmatiques ou encore de biographies faiblement historicisées (Charles Dickens en 1906 ; saint François d’Assise en 1923). Elle se trouve réduite, le plus souvent, aux bons mots, paradoxes et traits d’esprit dont Chesterton demeure un maître-orfèvre et dont quelques-uns sont devenus des lieux communs – ainsi ces « vérités chrétiennes devenues folles » au xxe siècle. Converti en un sens par son personnage de roman, [...]


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1 Gilbert Keith Chesterton, « L’art d’être loufoque », L’homme à la clef d’or. Autobiographie, Paris, Les Belles Lettres, 2015, p. 107-108, p. 428.

2 Ibidem, p. 406.

3 Frédéric Lefèvre, « Une heure avec Chesterton », Les Nouvelles littéraires, Paris, 21 mars 1925, p. 1 : « Chesterton semble se soucier assez peu de la composition de son oeuvre. Loin de moi la pensée de l’en féliciter, mais allez donc demander à un torrent de lave bouillonnante la régularité d’un canal. »

4 Henri Massis, « Introduction » à G. K. Chesterton, Hérétiques, Plon, Paris, 1930, p. 10 : « La plus paradoxale fantaisie semble avoir réglé le cours de la publication des oeuvres de Chesterton : rien de plus déroutant […], rien  de plus illogique aussi, même au point de vue de cette logique chestertonienne, qui consiste à prendre les choses à l’envers pour montrer que c’est le bon côté. »


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