Pascal ou les continuels commencements de la conversion¹

Deux pages, trouées de plusieurs lacunes. L’Écrit Sur la conversion du pécheur n’est pas l’opuscule de Pascal le plus fréquenté par la critique. Son titre l’a peut-être desservi ². Il lui donne une certaine apparence moralisatrice, semblant diminuer sa portée spirituelle. De péché, en fait, il n’en est pour ainsi dire pas question, comme le remarque H. Michon, dans une des quelques études consacrées à cet opuscule ³. Quant à la conversion, on verra que le singulier est trompeur. Ce texte, contemporain des Pensées selon Jean Mesnard, partage avec elles la même faculté de donner une portée large à ce qui aurait pu n’être que l’évocation subjective d’une expérience. Et puisqu’il est question de conversion, on pense immédiatement aux heures évoquées dans le Mémorial, et à leurs conséquences dans la vie de Pascal. Si l’on accorde volontiers à Jean Mesnard « qu’il n’y a plus lieu de maintenir le lien chronologique entre la conversion de 1654 et l’Écrit ⁴ », et que celui-ci excède par son ampleur la portée singulière de la nuit de feu, il reste que les données psychologiques du texte correspondent particulièrement bien aux informations livrées par Jacqueline dans sa lettre à Gilberte du 25 janvier 1655. Il y est question du Pascal d’avant le 23 novembre ⁵, théoriquement...

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 1 Texte français de l’étude parue en langue italienne : « I continui cominciamenti della ‘conversione’ », Ricchezza e importanza degli opuscoli pascaliani. Omaggio a Giuseppe Pezzino. A cura di Maria Vita Romeo e Massimo Vittorio. Catane, Dialogos (17), 2016, p. 319- 335. La numérotation des fragments des Pensées citées ici correspondent à l’édition Philippe Sellier (Livre de poche classique ) ; c’est aussi celle de la nouvelle édition Bouquins (2023).

 2 Ce titre, de toute évidence, n’apparaissait pas dans les documents sources (ms Périer, ms Sainte-Beuve, Histoire littéraire... de Clémencet). « Il n’y avait certainement aucun titre dans l’original. » (J. Mesnard, OC IV, DDB, p. 37). Le titre que nous connaissons, imposé par le P. Guerrier et repris par Mlle de Théméricourt, est devenu usuel.

 3 Hélène MICHON,«L’Écrit sur la conversion du pécheur : entre anti-jansénisme et bérullisme », in Pascal auteur spirituel, textes réunis par Dominique Descotes, Champion, 2006, p. 264.

 4 OC IV, p. 38. 

 5 De la fin septembre 1654, pour être exact : « ... environ vers la fin de septembre dernier. Il me vint voir et à cette visite il s’ouvrit à moi d’une manière qui me fit pitié... » (OC III, p. 71