Temps du roman, temps de la conversion

Le cas d’Augustin ou le Maître est là  de Joseph Malègue

Le roman éclaire d’une manière particulière le problème de la conversion. Contrairement à la poésie et au théâtre, il s’inscrit dans une certaine durée qui tente de coïncider avec l’existence d’un personnage (sans s’interdire d’ailleurs lyrisme ou dramatisation). Même si la prudence est de rigueur, puisqu’il s’agit de fiction, les théologiens eux-mêmes n’ont pas dédaigné le genre romanesque pour décrire l’expérience de la conversion : pensons au cardinal Newman, auteur, en plus d’ouvrages théologiques ou autobiographiques, du roman Loss and Gain (1848), ou à Pierre Rousselot qui s’appuie sur ce même Loss and Gain dans Les yeux de la foi ¹ (1910).

Dans la masse – souvent médiocre, littérairement – des romans de conversion, il faut en distinguer un qui constitue sans doute un chef-d’œuvre du genre, voire un chef-d’œuvre tout court : Augustin ou le Maître est là (1933) de Joseph Malègue. Ce roman de plus de 800 pages, célébré en son temps par la critique et admiré par plusieurs papes, s’impose comme un ouvrage majeur ² de la littérature française du XXe s. Il est l’un des rares romans présentant non seulement un intérêt littéraire mais aussi un intérêt théologique, la dimension littéraire servant la cause théologique et inversement, comme l’a bien vu Charles Mœller dans Littérature du XXe siècle et christianisme :

C’est avec Malègue que j’ai voulu couronner ce livre. Augustin est un chef-d’œuvre. J’écris ces mots froidement et calmement : je l’ai lu trois fois, et chaque nouvelle lecture m’a confirmé dans mon sentiment. Peu de romans permettent de voir aussi bien que les trois ...

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 1 Pierre ROUSSELOT, Les Yeux de la foi

 2 Depuis quelques années, Joseph Malègue fait l’objet d’une redécouverte. On le doit notamment à José FONTAINE, auteur de La Gloire secrète de Joseph Malègue (Paris, L’Harmattan, 2016). Le premier ouvrage collectif consacré à Joseph Malègue a été publié cette année aux éditions du Cerf : Joseph Malègue : à la (re)découverte d’une œuvre, J. Fontaine et B. Gendrel