Passer dans le Christ

La conversion chez le Père de Lubac

Le P. de Lubac a-t-il parlé de la conversion ? On n’y pense guère spontanément. Aucun titre de ses publications ne le suggère, et le sujet paraît plutôt pastoral et interconfessionnel que doctrinal. Pourtant, les quelques éléments que nous allons présenter vont permettre de gagner la conviction que, non seulement le P. de Lubac a parlé de la conversion mais encore qu’elle occupe une place centrale dans sa théologie au point d’en constituer une clé, sinon la clé qui ouvre toutes les portes de son œuvre. Pour le voir, il faut cependant élargir le champ sémantique et entrer dans l’organicité de l’œuvre lubacienne suivant une exigence réciproquement féconde. Autour du concept de conversion gravitent des termes associés que l’on pourrait classer, provisoirement, en trois catégories qui expriment ensemble le rythme de la vie spirituelle. Il est question d’ordination (polarisation, destinée ontologique, image ; l’appel à la conversion), de retournement (libération, inversion, renversement ; la conversion proprement dite), puis de transformation (assimilation, transfiguration finale ; l’entrée dans le Royaume). On y devine aisément la trilogie augustinienne nature – grâce – gloire. Chez le P. de Lubac, et en ce qui concerne précisément la conversion, ces trois états ne se juxtaposent pas mais interagissent dans une spiration anagogique que nous pourrions d’emblée proposer au lecteur :

Il s’agit d’un unique mouvement, qui, à partir de l’incrédulité première, s’élève par la foi jusqu’aux sommets d’une vie spirituelle dont le terme n’est pas ici-bas. Son déploiement est coextensif au don de l’Esprit, au progrès de la charité ¹....

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 1 Histoire et Esprit. L’intelligence de l’Écriture d’après Origène, Paris, Aubier-Montaigne, coll. « Théologie » 16, 1950 ; OC, t. XVI, nlle éd., Paris, Éd. du Cerf, 2002 (désormais HE), p. 393