Les moines peuvent-ils rirent?

On sait que saint Benoît n'a pas vu le rire d'un œil favorable et ne fait que concéder au moine le rire eu égard à la faiblesse de la nature humaine. La tradition monastique n’est cependant pas univoque : elle reconnaît non seulement le besoin humain de récréation, mais aussi le rire comme « expression de la joie ineffable ».

Les moines peuvent-ils rire?

Dans l’imaginaire populaire, le frère franciscain est souvent représenté comme un individu rondouillard et jovial. Le bénédictin, quant à lui, a une allure plus sobre. Figure décharnée, drapée de noir et tapie dans un cloître ténébreux, il n’est vraiment pas d’une gaieté communicative. Peut-être vaut-il la peine d’examiner la tradition monastique pour déterminer si elle a réellement essayé d’éliminer l’activité la plus humaine qui soit qu’est le rire ¹.

1. Saint Benoît et sa Règle

Le 25 octobre 1964, le pape Paul VI a consacré l’église abbatiale reconstruite du Mont-Cassin et a déclaré saint Benoît (480-547) patron de l’Europe. Au cours de son homélie, il a parlé de « l’élégante gravité » typique du style de vie bénédictin et de ceux qui l’embrassent ². L’image qu’il évoquait était celle de moines en robe noire, engagés dans les rituels majestueux d’une liturgie solennelle. Tout n’est ici que sérieux et sobriété, sans rien de frivole.

Saint Benoît fait référence à la gravitas à six reprises dans le cours de sa Règle (RB) :

6, 3 : On n’accordera que rarement aux disciples, fussent-ils parfaits, la permission de parler, même de choses bonnes, saintes et édifiantes, à cause de l’importance du silence (propter taciturnitatis gravitatem).

7, 60 : Le onzième degré d’humilité consiste en ceci : lorsqu’un moine parle, il le fait doucement et sans rire (sine risu), humblement et avec gravité, en peu de mots et raisonnablement, évitant les éclats de voix.

22, 6 : Qu’ils s’empressent de se devancer les uns les autres à l’Œuvre de Dieu, mais néanmoins en toute gravité et retenue.

42, 11 : Les ruptures nécessaires du Grand Silence « doivent être faites avec la plus grande gravité (summa gravitate) et la modération appropriée ».

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 1 CLÉMENT D’ALEXANDRIE parle de l’homme comme d’un gelastikon zoon, un animal rieur : Pédagogue 11, 46, 2 (Sources Chrétiennes 108, 100, désormais S. Chr.)

 2 PAUL VI, Quale saluto, traduit dans The Pope Speaks 10, 120