Père Jean-Robert ARMOGATHE
La rémission des péchés
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n°81
Janvier - Février
1989 - Page n° 4
« Quel est le plus facile, de dire : "Tes péchés sont remis", ou de dire : "Lève-toi et marche"? » (Matthieu, 9, 5 et par.).
Pour les auditeurs du Christ, il était bien plus difficile de faire marcher un paralytique que de pardonner les péchés ; mais nos contemporains sont habitués, désormais, aux prouesses techniques, et ils répondraient peut-être à rebours des scribes de Capharnaüm. Les horreurs que notre siècle a connues rendent bien plus difficile la pensée du pardon. L'évolution mérite réflexion.
Il est, me semble-t-il, un mystère encore plus profond que le mal subi par l'innocent : celui du mal que je commets moimême. L'incompréhensible chemin qui me conduit au péché, et que saint Paul a, une fois pour toutes, balisé si intensément, constitue en effet l'énigme la plus opaque à mon regard intérieur : « Je ne comprends pas ce que je fais ; je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais, et même quand je veux faire le bien, c'est le mal qui se présente à moi » (Romains 7, 15-21). Le mal que l'on commet est encore plus inacceptable que celui que subit l'innocent.
Et pourtant, en droite logique, il est encore quelque chose de plus incompréhensible, de plus inadmissible que le péché : c'est le pardon. Comment comprendre que puissent être rétablis l'ordre troublé, la pureté brisée, l'alliance rompue ? Car il s'agit de plus que d'une attitude subjective (« je te pardonne »), et le mot « rémission » désigne bien le rétablissement de l'état précédent, l'annulation de la dette, l'amnistie de la faute. Quel effet miraculeux de la toute-puissance de Dieu peut opérer cette restauration ?
Le dialogue entre Jésus et le (bon) larron permet de répondre : c'est la mort qui est cette puissance. La mort de Jésus dans le supplice, mais aussi la mort du larron : «Aujourd'hui, tu seras avec moi dans le Paradis » (Luc 27, 43). C'est le seul cas où la rémission des péchés, dans le don de la mort, met un terme au dur combat de la foi. Par ailleurs, la rémission permet d'entrer, avec Jésus, dans ce combat : elle engage le pécheur réconcilié aux côtés de Jésus pour l'affrontement avec le mal.
« ...Ils ne savent pas ce qu'ils font » : par ces mots, Jésus ne se contente pas de demander le pardon ; il veut que le Père tienne les hommes pour innocents. C'est pourquoi la rémission est bien plus que le pardon, et découvre, dans son inexplicable absurdité, l'amour infini dont nous sommes aimés. Innocents aux yeux de l'Innocent qui meurt dans les souffrances ; innocents parce que le Fils, en prenant tout péché sur lui, nous a retiré toute connaissance du péché. L'Innocent a pris sur lui nos péchés, et notre innocence, acquise au prix de son sang, nous introduit avec lui auprès de Dieu, « dans le Paradis ». Le curé d'Ars, parlant de la Rédemption, disait que « nous n'aurions pas pu imaginer cela» : l'inimaginable, en effet, n'est pas que nous soyons pardonnés, mais que nous devenions « blancs plus que neige » et que Dieu puisse rendre à nos coeurs et à nos oreilles « le son de la joie et de la fête » (Psaume 51) !
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