M. Michel COSTANTINI
Mourir
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n°2
Novembre - Décembre
1975 - Page n° 89
A propos de livres récents sur la mort
S’IL fallait consigner ici toutes les parutions récentes qui interrogent de front le fait de notre mort, ces quelques pages ne suffiraient pas à en épuiser la bibliographie. Jamais le discours sur la mort ne s'est multiplié de façon si florissante.
La première page, 89, est jointe.
Il est à noter cependant qu'il passe une bonne moitié de son temps à remarquer que la mort est devenue un sujet tabou, l'obscène par excellence (1 ) en même temps que le sexe était libéré d'une ancestrale exclusion...
Dire l’indicible ?
La mort advient : pour ceux qui vivent quotidiennement en contact avec les mourants, côtoient leur désarroi ou leur révolte, il est une découverte essentielle : la voix manque, se dérobe, et précisément c'est le mot, le nom, qui permettraient de prendre en charge l'ultime, de maîtriser (fût‑ce au simple plan de la représentation) l'extrême limite du vivre, que requérait avant de mourir le mourant. Les malades menacés attendent « une parole pour leur permettre de nommer l'événement » (2) et pour eux le silence est douleur parce qu'il signifie abandon.
Face à l'imminence de ce moment où, pour s'être déliée de son énonciateur, l'énonciation du disparu (3) se figera et se désagrégera, le choix du silence, par les survivants, n'indique pas qu'ils pensent établir par là un lien plus profond que ne le feraient, en l'apparition du dialogue, des propos inadéquats et vains. L'absence de parole ‑ une sorte de voie « apophatique » ‑ n'est pas en ce cas un retrait aménagé pour donner place à la communion; elle n'est que le reflet d'une totale impuissance qui se double de peur. Peur de dire par anticipation sa propre mort en disant celle de l'autre ? Sans doute, et aussi, dans
(1 ) La constatation date de 1967 : Ph. Ariès « Contribution à l'étude du culte des morts à l'époque contemporaine », in Archives européennes de sociologie, t. VI 11. Voir, du même auteur, Essai sur l'histoire de la mort en occident, Paris, 1975.
(2) Ginette Raimbault, L'enfant et la mort, Toulouse, 1975.
(3) Enonciation : acte qui consiste à proférer un énoncé complet; énonciateur : celui qui accomplit cet acte, et qui, dans cet énoncé dont il accomplit l'énonciation, peut dire : « je ».
p.89
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